Ile de Gorée, un haut lieu qui rappelle des souvenirs lointains de la traite négrière

A quelques kilomètres au large de Dakar, l’Ile de Gorée, célèbre par son passé de terre d’accueil et de transit des esclaves noirs vers l’Amérique, est un haut lieu plein de symboles, de mémoires et de souffrances.

L’Ile, reliée à la capitale sénégalaise par une navette de chaloupes qui assurent le trajet, dans une quinzaine de minutes, est un passage obligé de chaque nouveau visiteur du pays de la Téranga, et de sa capitale en particulier.

Les touristes, étrangers et africains à la fois, tiennent à s’y rendre et déambuler dans ses ruelles verdoyantes et paisibles, l’occasion pour les uns de constater de visu les conditions inhumaines de détention des esclaves et pour d’autres, notamment d’origine africaine, de se remémorer le chemin emprunté par les ancêtres avant de regagner l’Amérique.

Gorée, qui attire chaque année des milliers de visiteurs, a connu le passage sur son sol de grandes personnalités, notamment Nelson Mandela, premier président noir d’Afrique du Sud de 1994 à 1999, qui s’y était lui-même rendu un an après sa libération en 1990 du régime de l’apartheid.

Les présidents américains Bill Clinton et George W. Bush ont fait de même en 1998 et 2003, avant que l’ancien locataire de la maison Blanche, Barack Obama, ne la visite en 2013, accompagné de sa famille.

Classée officiellement depuis 1978 patrimoine mondial de l’humanité, Gorée est sans conteste l’un des symboles emblématiques de la mémoire de la traite atlantique. Cette île de 18 hectares, où aucune voiture ne circule, sauf une charrette tirée par un âne pour la collecte des ordures, est célèbre par ses sites historiques, notamment la maison des esclaves.

Si cette fameuse maison condensait la majeure partie du trafic des noirs à l’époque à destination de l’Amérique, elle n’a pas été la seule sur cette île à jouer ce rôle, car presque toutes les maisons situées à bordure de mer sont d’anciennes esclaveries.

Construite au 18è siècle, la maison est typique de l’architecture de l’époque avec un rez-de-chaussée humide et mal aéré pour entreposer esclaves et produits, et l’étage, bien aéré, réservé au logement des maîtres.

L’effectif dans la maison variait entre 100 et 200 esclaves, les hommes, les femmes et les enfants dans des cellules séparées. Le taux de mortalité était élevé en raison des mauvaises conditions de vie et de l’atrocité des punitions.

Afin de conserver l’atmosphère humide et repoussante des cellules du rez-de-chaussée, certaines d’entre elles n’ont pas été aménagées pour laisser le sol et les murs restituer toutes les tragédies dont ils ont été témoins, selon les responsables de cette maison.

“On pardonne mais on n’oublie pas”, déclare Amadou Bamba Fall, guide de son état, la cinquantaine, qui exerce ce métier depuis bien longtemps.

“Ici, toutes les tragédies et sortes d’humiliation ont été vécues par nos ancêtres, qui n’avaient rien commis de mal que d’être nés noirs”, déplore-t-il dans une déclaration à la MAP.

Et ceux qui tombaient malades ou enceintes, pour les femmes, devaient traverser la “porte du non-retour” qui mène vers l’inconnu, où les gardiens, fusils à l’épaule, sont à leur qui-vive pour tirer au moindre mouvement, alors que les malheureux esclaves sont conduits dans des bateaux pour ensuite être jetés dans l’eau et laissés à la merci des requins, explique-t-il.

“Le choix porté sur Gorée comme terre de trafic des esclaves n’est pas dû à ses richesses minières ou autres, mais découle de sa proximité de l’Amérique”, fait-il observer, relevant qu’il est plus facile de faire le périple à destination de l’Amérique à partir de Gorée que de n’importe quel autre point du continent africain.

Aujourd’hui, le tourisme demeure, sans conteste, la principale bouffée d’oxygène pour l’activité économique de cette île de 1.800 habitants qui peine tant bien que mal à s’émanciper et prospecter à bras le corps l’avenir. Néanmoins, l’érosion côtière et la destruction des anciens bâtiments sont des faits qui inquiètent de plus en plus les responsables de cette île, lesquels sont appelés à agir d’urgence afin de préserver cet héritage civilisationnel du Sénégal et de l’Afrique toute entière.

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