Rafle des migrants en Algérie : l’UE aux abonnés absents

Tout le monde s’attendait à voir l’Union européenne réagir sur la purge menée par les autorités algériennes contre les migrants, notamment à l’occasion du conseil d’association UE-Algérie tenu le 14 mai à Bruxelles. Pas un mot !

Face à la gravité de cette situation inédite au 21-ème siècle, c’était l’euphémisme, la rhétorique et l’acrobatie linguistique qui ont présidé à la rédaction d’une déclaration conjointe tortueuse qui a sanctionné les travaux de cette 11ème session de ce conseil d’association.

Au fil des paragraphes de cette déclaration qui sent le réchauffé, une phrase est venue rappeler que l’UE et l’Algérie «continueront leurs efforts pour lutter contre les réseaux criminels qui organisent le trafic des personnes, mettant en péril leurs vies, et veiller au respect du droit international, y compris en matière de droits humains». De qui se moque-t-on ?

L’UE n’a-t-elle pas eu vent des déclarations du chef de la diplomatie algérienne qui avait qualifié les migrants subsahariens de « menace à la sécurité nationale», de cet apparatchik de la vielle nomenklatura au pouvoir qui avait dit que les migrants sont “une source de drogue et de criminalité” ou encore ce fameux défenseur des droits de l’homme de la onzième heure qui avait accusé les subsahariens de propager le Sida et les maladies sexuellement transmissibles (MST) dans le pays.

Cette véritable «chasse à l’homme noir» n’a pas non plus éveillé la conscience des eurodéputés, dont certains s’activent à tâtons à faire croire qu’en Algérie «tout va très bien madame la marquise !», alors que le pays est en train d’alimenter une crise humanitaire inédite aux portes de l’Europe.

Devant la gravité de la situation, le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a pressé, mardi, les autorités algériennes de cesser ces expulsions collectives.

Alors que les chiffres exacts sont difficiles à obtenir, le nombre de personnes expulsées est estimé à plusieurs milliers”, a déclaré la porte-parole de l’organe onusien, Ravina Shamdasani, lors d’un point de presse à Genève.

L’ONU a également dénoncé les conditions de détention « inhumaines » et « dégradantes » de ces migrants, notant que l’expulsion collective des migrants, sans évaluation individuelle ou garanties de procédure “est profondément alarmante et contraire aux obligations de l’Algérie en vertu du droit international des droits de l’homme”.

L’Organisation européenne de défense des droits de l’homme EuroMed Droits a, pour sa part, condamné, mercredi, « la campagne généralisée d’arrestations arbitraires » des migrants en Algérie.

L’ensemble du réseau d’EuroMed Droits «condamne la campagne généralisée d’arrestations arbitraires, de reconduites forcées à la frontières, suivies d’expulsions collectives et massives, qui frappe l’ensemble des personnes migrantes originaires des pays d’Afrique subsaharienne et qui se trouvent sur le territoire algérien », a affirmé le président de l’ONG européenne Michel Tubiana dans un communiqué rendu public à Bruxelles.

EuroMed Droits a appelé «l’ensemble de la communauté internationale, y compris l’Union européenne qui coopère avec l’Algérie sur le dossier migratoire, et les organisations onusiennes compétentes à réagir à ses côtés».

D’autres ONG internationales dont Médecins du monde et Caritas ont de leur côté dénoncé les conséquences désastreuses des vagues d’arrestations et des campagnes d’expulsion dirigées contre les migrants africains.

Samedi dernier près de 200 militants des droits humains, chercheurs et artistes en Algérie ont rendu public, en dépit de l’embargo qui leur est imposé par les autorités algériennes, un appel dans lequel ils dénoncent les arrestations et expulsions massives des migrants.

Les signataires de cet appel invitent les autorités algériennes à respecter leurs engagements internationaux, à mettre en place en urgence, un cadre légal national en respect des droits des travailleurs migrants et d’une loi d’asile à même de permettre l’accès au statut de réfugié, et de leur protection de toutes formes d’abus ou d’exploitation.

Face à ces multiples appels de détresse, l’UE et le Parlement européen resteront-ils de marbre ? Jusqu’à quand va-t-on continuer à jouer aux thuriféraires d’un régime aux abois ?

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