Mexique : grève historique des femmes pour dénoncer les féminicides

Confrontées à la recrudescence des violences à leur égard en l’absence d’une action concrète des autorités pour combattre ce fléau, les Mexicaines ont frappé fort lundi / elles ont observé une grève nationale pour exiger que soit mis fin au climat d’impunité entourant les féminicides.

Pas de travail, aucune tâche domestique et moins de femmes dans les rues, ni dans les transports et les commerces, au lendemain de la journée internationale des droits des femmes. Les citoyennes mexicaines ont quasiment “disparu” des bureaux, magasins, transports, restaurants et écoles pour demander un plus grand soutien afin que leurs droits soient respectés. Dans la capitale, les hommes se sont rendus compte tôt le matin d’une image pour le moins inhabituelle : très peu de femmes au volant ou marchant sur les larges avenues, pas de serveuses dans les cafés et les restaurants, pas d’enseignantes dans des écoles qui sont pour beaucoup restées fermées.

Un jour après des manifestations de masse qui ont coloré plusieurs villes du pays à l’occasion la Journée internationale de la femme, l’indignation a conduit une grande partie de la population féminine à rester chez elles. “Hier, elles ont crié dans les rues et sur les places publiques, aujourd’hui leur absence démontre ce que le Mexique perd à cause du machisme et de la violence sexiste”, écrit le journal El Sol de Mexico.

Sous le titre “#M9 POURQUOI ON S’ARRÊTE ?”, son confrère Animal politico explique dans son édito : “nous les journalistes d’Animal Politico ne travaillons pas aujourd’hui parce que nous sommes épuisées de documenter de la souffrance que vivent les femmes dans ce pays”. L’initiative a été lancée par le collectif féministe Brujas del Mar, originaire de l’Etat de Veracruz (est), avec le slogan “El nueve ninguna se mueve” [NDLR : “Le neuf personne ne bouge”]. L’indignation était aussi palpable sur les réseaux sociaux avec les mots-clés #Justiciaparatodas (Justice pour toutes) et #Niunamenos (Pas une de plus) et le hashtag “Un dia sin nosotras” (Un jour sans nous, les femmes).

L’objectif affiché : dénoncer, par leur absence flagrante dans la société durant cette journée, la recrudescence des féminicides et le silence des autorités, alors que l’on recense en moyenne 10 meurtres de femmes chaque jour depuis le début de l’année. “Cette grève au Mexique est née d’une réaction très spontanée de la population”, explique Gaspard Estrada, directeur exécutif de l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Soutenue par de nombreuses entreprises et départements publics, cette initiative s’inscrit dans le cadre d’une série de manifestations de protestation des organisations féministes, qui prennent de l’ampleur depuis plusieurs mois, notamment après deux assassinats particulièrement atroces et médiatisés ayant suscité une vague d’horreur et d’émotion relayée par la presse partout dans le monde. Dans la foulée, ces deux macabres meurtres ont constitué les féminicides de trop, provoquant colère et indignation dans un pays pourtant habitué à ce genre de violences à l’égard des femmes et de machisme.

Dimanche, une grande marche de femmes avait réuni 80.000 personnes à Mexico, tandis que des dizaines de milliers d’autres se réunissaient dans plusieurs villes du pays. Ces actions ont clairement déplu au président Andres Manuel Lopez Obrador qui a parlé lundi matin lors de sa conférence de presse quotidienne de “conservatisme déguisé en féminisme” en accusant ses opposants politique de tenter de le déstabiliser en instrumentalisant les organisations féministes.

Outre la condamnation des féminicides, les femmes mexicaines militent aussi en faveur d’une diminution des disparités salariales, une meilleure parité dans le milieu professionnel et la fin du harcèlement sur les lieux de travail.

Selon des chiffres officiels sur la violence à l’égard des femmes, le Mexique a enregistré plus de mille cas de féminicide en 2019, alors que le nombre des femmes ayant déclaré avoir subi un type de violence (scolaire, professionnelle, communautaire ou conjugale) est passée de 60,27 % en 2006 à 66,1 % en 2016.

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