Algérie : le régime traque les activistes du Hirak sur Facebook

La justice algérienne a condamné trois opposants à des peines de prison ferme pour leurs publications sur les réseaux sociaux, dans le collimateur d’un régime qui cherche à exploiter la pandémie du nouveau coronavirus pour étouffer le « Hirak », le mouvement de protestation populaire né en 2019.

« L’activiste Soheib Debaghi a été condamné (mardi) à un an de prison ferme » à Alger pour « incitation à attroupement, outrage à corps constitué et publications Facebook pouvant porter atteinte à l’intérêt national », selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien aux prisonniers.

Deux autres militants du « Hirak », Larbi Tahar et Boussif Mohamed Boudiaf, ont écopé mardi de 18 mois de prison ferme, également pour des publications sur Facebook, d’après CNLD et l’antenne algérienne d’Amnesty International.

Leur peine a été prononcée par un tribunal de la wilaya (préfecture) d’El Bayadh, au sud-ouest d’Alger, lors d’une audience par visioconférence. Le procureur avait requis trois ans de prison ferme, a précisé le CNLD.

Selon son avocat Me Abdelghani Badi, Larbi Tahar était accusé d' »outrage au président de la République » pour des messages publics dans lesquels il qualifiait Abdelmadjid Tebboune de « président illégitime ».

Quant à Boussif Mohamed Boudiaf, il a dénoncé « l’injustice » du système judiciaire à travers ses publications, a précisé sur Facebook l’avocat, qui le représente également.

Les trois militants condamnés sont déjà en détention. Par ailleurs, le parquet d’Aïn Temouchent (ouest) a requis mercredi neuf ans de prison ferme et une très forte amende contre un détenu hirakiste, Hicham Sahraoui, accusé notamment « d’outrage à corps constitué et d’atteinte à la personne du président de la République », selon le CNLD.

Malgré la pandémie de Covid-19 qui a contraint la contestation à suspendre ses manifestations depuis mi-mars, le régime algérien –maniant la carotte et le bâton– continue de cibler opposants, journalistes, médias indépendants et internautes.

Pendant que des activistes du « Hirak » sont relâchés au compte-gouttes, comme Abdelouahab Fersaoui, un chef de file du mouvement libéré lundi après huit mois derrière les barreaux, d’autres sont interpellés et traduits en justice dans tout le pays.

Selon le dernier décompte du CNLD, quelque soixante personnes sont actuellement en détention dans les prisons algériennes pour des faits liés au « Hirak ».

« Il s’agit d’une répression à l’aveugle, un coup les journalistes, un coup les médias, un coup les militants, un coup les réseaux sociaux », observe Karima Direche, historienne spécialiste du Maghreb, évoquant la « politique de balancier » d’un « régime en fin de vie ».

Depuis le début du soulèvement populaire le 22 février 2019, des internautes isolés, en particulier en province, sont régulièrement poursuivis pour leurs publications sur les réseaux sociaux.

Un jeune partisan du « Hirak », Walid Kechida, est en détention depuis le 27 avril à Sétif (nord-est), pour avoir publié des mèmes, images virales comiques ou satiriques détournées sur les réseaux sociaux, moquant les autorités et la religion.

Le militant de 25 ans est accusé d' »outrage à corps constitué », d' »offense au président de la République » et « aux préceptes de l’islam ». Il risque jusqu’à cinq ans de prison. Selon les analystes, le pouvoir algérien profite de la crise sanitaire pour enterrer une bonne fois pour toutes la contestation.

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