inclusion financière : quid des TPE ?

Le niveau d’inclusion financière demeure très limité pour les TPE et les micro-entreprises, selon un rapport de Bank Al-Maghrib (BAM) et du ministère de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’administration sur la Stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF).

Le rapport cite une enquête réalisée, en 2017, par la Fondation marocaine pour l’éducation financière sur près de 1 000 TPE, ME et autoentrepreneurs. Selon cette étude, 48% des petites entreprises détiennent un compte bancaire et seulement 6% ont un crédit même si 60% des entreprises sondées ont déclaré qu’elles rencontrent des problèmes de trésorerie.

L’absence d’offres de financement ciblées représente ainsi, selon le rapport, l’une des barrières majeures à l’inclusion financière de certains segments des entreprises notamment la TPE, dont le lancement et le développement s’avèrent pénalisés par la complexité de l’accès au financement associée à un niveau de compétences financières faible.

Inclusion financière : les patrons des TPE se sentent ignorés par le MEFRA et BAM

Interrogé par Barlamane.com/fr sur la SNIF, Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine de TPE-PME, rappelle que depuis 2016, le MEFRA et BAM travaillent avec d’autres partenaires sur une stratégie d’inclusion financière qui devait en principe définir une vision nationale déclinée en orientations et en leviers stratégiques ciblant les jeunes de moins de 25 ans, les femmes, les ruraux et la TPE. « Nous n’avons malheureusement pas été associés à ce travail que je considère très important et prioritaire pour les TPE qui peinent à trouver des sources de financement (…) D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le MEFRA et BAM ignore notre Confédération dans l’élaboration de projets aussi importants que la SNIF », a-t-il indiqué.

« Après la lecture du rapport, il s’avère que les résultats qui ressortent de ces trois années de travail font montre d’un vide énorme concernant l’inclusion financière des TPE. D’ailleurs, je tiens à souligner que le rapport n’inclut aucune perspective pour les années à venir pour les TPE alors qu’il dresse un état des lieux et même des projections pour 2023 et 2030  pour les autres populations ciblées par la SNIF, notamment les femmes, la population rurale et les jeunes de moins de 25 ans », a-t-il dénoncé. 

S’agissant de la méthodologie de l’enquête utilisée par la Fondation marocaine pour l’éducation financière, le président de la Confédération marocaine de TPE-PME note que cette institution n’est pas affiliée à l’Etat et, par conséquent, n’a pas assez de moyens afin d’approcher toutes les Confédérations et Fédérations patronales. 

« Toutefois, ceci n’excuse pas le manque de professionnalisme de cette Fondation étant donné qu’elle a utilisé la même approche pour toutes les populations cibles de la SNIF. Ses membres auraient pu faire une simple recherche sur Google pour nous contacter afin de nous associer à ce travail qui devait constituer une analyse approfondie des composantes de l’inclusion financière au Maroc, mais aussi des pratiques nationales et internationales en la matière », a-t-il précisé.

Les contrats-programmes publics favorisent les GE

Alors que la stratégie d’inclusion financière vise à étendre l’accès à des  solutions de financement formelles adaptées aux besoins des TPE, Abdellah El Fergui fait savoir que le MEFRA n’a pas l’intention de se pencher sur l’inclusion financière et digitale de ce segment d’entreprises. « Et lorsque le ministère des Finances exprime son intérêt pour les TPE, il fait généralement appel au patronat alors qu’en réalité, les très petites entreprises n’intéressent, en aucun cas, la CGEM (…) On nous oblige à accepter des stratégies et des décisions prises sans aucune concertation avec notre Confédération (…) Malheureusement, le gouvernement actuel ne fait que favoriser les grandes entreprises dans ses plans économiques, sans vraiment prendre en compte le reste des entreprises nationales », déplore-t-il.

Des TPE se voient affaiblies au point de frôler la faillite

« Cette insouciance met en péril l’avenir des très petites entreprises. Aujourd’hui, de nombreux entrepreneurs du tissu des TPE ont déjà jeté l’éponge et déclaré faillite. En effet, une grande partie des entreprises ne parviennent pas à remplir leurs engagements et les défaillances de trésorerie sont de plus en plus fréquentes. La situation risque de se dégrader dans l’avenir. D’ailleurs, aujourd’hui, le suicide des patrons de ces entités reste une réalité peu connue alors que plusieurs cas commencent à se manifester », a-t-il ajouté.

Au Maroc, les TPE représentent plus de 95% des entreprises, occupent 50% des salariés, réalisent 31% des exportations et 51% des investissements nationaux et 40% de la production. Cependant leur participation au PIB se limite seulement à environ 20%. Soulignons que la réussite d’une entreprise ne dépend pas uniquement de son capital humain, de la qualité et du prix des produits et/ou services qu’elles offrent à la clientèle, mais aussi de la capacité de l’entreprise à mobiliser des financements adéquats aux besoins d’exploitation et d’investissement. Toutefois, les TPE ont beaucoup plus de difficulté à accéder au crédit ou à d’autres sources d’ailleurs.

« Les TPE au Maroc n’ont pas de programmes spécifiques de financement à l’instar des TPE des autres pays, tels que l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, le Brésil, entre autres. Le gouvernement n’arrive toujours pas à trouver des solutions pour nos TPE étant donné qu’il ne s’intéresse qu’aux grandes entreprises et aux PME. Il s’agit d’un dossier qui a été ignoré depuis l’indépendance jusqu’aux années 2009-2010 et lorsque les ministres ont commencé à réaliser l’importance de ces structures, ils se sont rendu compte qu’ils n’ont pas assez de données sur ces organismes. Ils les ont ainsi classés puis ont choisi de ne s’intéresser qu’à une petite  partie de ces TPE, notamment les start-ups, les jeunes entrepreneurs, les TPE  exportatrices, celles dans le domaine industrielles, etc … alors que la majorité exerce dans les domaines des « services », du « commerce », du « bâtiment », de « l’artisanat »,… », a-t-il déclaré à Barlamane.com/fr.

Les TPE ont du mal à accéder aux crédits bancaires

La TPE dispose d’une assiette financière très faible, elle a donc toujours besoin de financements et de fonds de roulement qui sont, d’ailleurs, très difficiles à obtenir des banques puisque les demandes des entrepreneurs se heurtent à des obstacles de garanties.

« Les banques exigent des  garanties 300 fois ou 400 fois la somme demandée. Il est impossible pour une TPE de répondre à cette condition. Par conséquent, les entrepreneurs font souvent appel aux crédits fournisseurs ou par chèque ou à travers le circuit non formel. Certes, l’Etat a commencé à garantir certains produits bancaires, mais c’est encore très limité », a-t-il affirmé.

INTELAKA : quel bilan à l’heure de la crise ?

Lancé sur initiative royale en février dernier, le programme de financement INTELAKA a été mis en stand-by et puis relancé. « Tout au long du confinement, le MEFRA a choisi de garder le silence laissant ainsi les TPE livrés à leur sort. D’ailleurs plusieurs porteurs de projets ont été victimes d’escroquerie de la part de certaines personnes et cabinets qui ont promis à ces demandeurs des crédits INTELAKA (…) Après la levée du confinement, le ministère des Finances a commencé à retraiter les dossiers INTELAKA à travers la CCG (Caisse centrale de garantie). Les banques ont ainsi débloqué certains crédits mais rares sont les TPE qui ont pu en bénéficier. D’ailleurs, je reçois toujours des appels de la part d’entrepreneurs qui ont déposé leurs dossiers mais qui n’ont, jusqu’à présent, pas encore reçu de réponse par rapport à leurs demandes. Certains se sont même déplacés au siège de la CCG », regrette le président de la Confédération.

Afin de remédier à ce problème de communication et de sensibiliser les porteurs de projet des cabinets qui prétendent pouvoir les aider à décrocher des crédits INTELAKA, Abdellah El Fergui a créé deux plateformes virtuelles. « Chaque semaine, j’organise un Live pour répondre aux questions des patrons des TPE. Je leur donne ainsi les dernières informations concernant le programme INTELAKA. Il y a également un salon virtuel hebdomadaire pour discuter des critères d’octroi de crédits (c’est du cas par cas) », a-t-il noté.

Gare aux escrocs !

« J’estime que le premier semestre 2021 sera décisif pour le programme INTELAKA. Si l’on n’arrive pas à trouver des solutions à ces problèmes de communication et de manque d’information, il se peut qu’il échoue à l’instar de Moukawalati, un programme qui a été mis en place par le gouvernement pour répondre aux besoins des jeunes créateurs d’entreprises », a-t-il poursuivi. « Pour le moment, nous avons pris la décision de classer les cabinets d’accompagnement des TPE en leur offrant un LABEL D’ACCOMPAGNEMENT DES TPE (LADT) pour barrer la route aux escrocs », a-t-il conclu.

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