Mali : la communauté internationale fait pression à minima sur les militaires

De nouvelles sanctions risquaient de faire vaciller un peu plus le Mali, pays crucial pour la stabilité régionale, déjà éreinté par la déliquescence de l’État, la pauvreté et la montée inexorable du djihadisme depuis dix ans.

 La communauté internationale fait pression à minima sur la junte après le nouveau coup d’État au Mali, soucieuse de préserver la lutte contre le djihadisme dans la région et d’éviter que le pays ne sombre dans le chaos.

Mêmes acteurs, autres temps : lors du coup d’État d’août 2020, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) avait fermé ses frontières et stoppé ses échanges financiers et commerciaux avec le Mali pour imposer une transition civilo-militaire, limitée dans le temps.

Huit mois plus tard, devant le même colonel Assimi Goïta, qui s’est fait déclarer cette fois président après avoir évincé le duo de civils à la tête de l’exécutif, la Cédéao a juste suspendu le Mali de ses instances, demandant la nomination «immédiate» d’un nouveau premier ministre civil et le maintien des élections au début 2022.

«Ce sont des condamnations de papier essentiellement», résume Jean-Hervé Jezequel, spécialiste du Sahel à l’International Crisis Group.

L’Union africaine et la France, partenaire clé dans la lutte antiterroriste avec sa force Barkhane (5 100 hommes), se sont alignées sur la Cédéao.

Paris est allé plus loin jeudi soir en annonçant la suspension des opérations militaires conjointes avec les forces maliennes, sans toutefois remettre en cause le gros de l’effort de Barkhane.

«C’est une décision à minima», estime Caroline Roussy à l’Institut de Relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris, dont l’impact sur les dirigeants maliens est difficile à déterminer.

Le «précédent tchadien»

«Il était attendu de la communauté internationale, en particulier la Cédéao, qu’elle se montre ferme face à la junte. Cette dernière s’en sort très renforcée, et on peut se demander si elle a désormais des limites», renchérit Boubacar Haidara, chercheur au centre d’études Les Afriques dans le Monde (LAM) à l’Institut de Sciences Politiques de Bordeaux.

De nouvelles sanctions risquaient de faire vaciller un peu plus le Mali, pays crucial pour la stabilité régionale, déjà éreinté par la déliquescence de l’État, la pauvreté et la montée inexorable du djihadisme depuis dix ans.

Les partenaires du Mali n’ont pas voulu que «la population soit mise plus encore en difficulté et que ce soit finalement une aubaine pour les terroristes», esquisse Caroline Roussy.

Les Maliens ont aussi peu réagi au «coup d’État dans le coup d’État». «Sans mobilisation populaire, c’était la Cédéao contre la junte et les Maliens», considère Jean-Hervé Jezequel.

Pour tous les experts interrogés, le «précédent tchadien» a aussi joué un rôle. Après la mort brutale du président Idriss Déby Itno en avril, l’Union africaine et la France ont validé l’installation d’une junte militaire à N’djamena, emmenée par le fils du président défunt, au nom de la sécurité régionale.

«La communauté internationale n’a pas du tout su peser sur la situation, elle a perdu la main (…) Dans ce contexte il paraissait compliqué qu’elle puisse avoir une position assez tranchée sur le Mali», relève Bokar Sangaré, chercheur et rédacteur en chef du site d’informations malien Benbere.

Dans les deux cas, une même obsession domine : préserver la digue antidjihadiste alors que la menace, partie du Mali, s’étend dans les pays voisins et que le Tchad, un des rares pays de la région doté d’une armée robuste, apparaît comme un acteur majeur sur l’échiquier sécuritaire.

Halte aux djihadistes

«Qu’est-ce qui est le plus important, aux yeux des partenaires du Mali, une transition conduite par des civils ou un gouvernement qui permette de continuer la lutte contre les djihadistes ?», s’interroge Jean-Hervé Jezequel.

«Il y a de fortes hésitations à faire trop pression sur la junte dont on considère par ailleurs qu’elle a plutôt bien collaboré d’un point de vue sécuritaire jusqu’ici», observe-t-il.

Le président français Emmanuel Macron a certes menacé de retirer ses troupes du Mali s’il n’y avait «plus de légitimité démocratique ni de transition» dans ce pays et si Bamako allait «dans le sens» d’un islamisme radical.

Mais pour la chercheuse de l’Iris, cette menace, tout comme la suspension de la coopération militaire bilatérale, marquent surtout «une volonté de peser dans la composition du nouveau gouvernement» malien afin que des acteurs proches des djihadistes n’y soient pas nommés.

Au vu des derniers soubresauts, la communauté internationale paraît avoir peu de prises toutefois sur la situation politique au Mali.

«Les leçons du coup d’État précédent montrent qu’une solution durable doit être négociée entre les acteurs maliens», suggère l’Institute for Security Studies (ISS) à Pretoria. «C’est aux Maliens eux-mêmes de le faire», insiste Jean-Hervé Jezequel.

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