Législatives en Algérie : un simulacre d’élections sur fond de crise multiforme

Les Algériens se rendent aux urnes samedi pour des élections législatives anticipées rejetées par le mouvement contestataire du Hirak et une partie de l’opposition, sur fond de répression tous azimuts.

«Mise en scène», élections «ni libre ni juste» : les Algériens ont d’ores et déjà rejeté le scrutin exigé par la régime, dans un pays englué dans une crise économique. Le principal enjeu est à nouveau la participation après les précédentes consultations électorales, la présidentielle de 2019 et le référendum constitutionnel de 2020, marqués par une abstention historique.

Les bureaux de vote ont ouvert à 08H00 (07H00 GMT) et fermeront à 19H00 (18H00 GMT). Les résultats officiels ne sont pas attendus avant dimanche.

Il s’agit des premières législatives depuis le soulèvement populaire inédit et pacifique, né le 22 février 2019 du rejet d’un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika, poussé près de deux mois plus tard à la démission après 20 ans de règne.

Trois figures du Hirak interpellées jeudi — l’opposant Karim Tabbou, Ihsane El Kadi, directeur d’une radio proche de la contestation, et le journaliste indépendant Khaled Drareni — ont été relâchées dans la nuit de vendredi à samedi, a annoncé le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Leur arrestation à la veille du scrutin avait déclenché un tollé international.

A l’issue d’une campagne apathique, les partis progouvernementaux ont appelé à participer «en force» au scrutin, tandis que le Hirak, qui réclame en vain un changement radical du «système» de gouvernance en place depuis l’indépendance (1962), a dénoncé d’emblée une «mascarade électorale».

Quoi qu’il arrive, le pouvoir s’accommodera d’une éventuelle forte abstention, tout en espérant un taux de participation de 40% à 50%.

Car le régime est déterminé à imposer sa « feuille de route» électoraliste, en ignorant les revendications du Hirak — Etat de droit, transition démocratique, souveraineté populaire, justice indépendante.

Quelque 24 millions d’Algériens sont appelés à élire les 407 députés de l’Assemblée populaire nationale pour un mandat de cinq ans. Ils doivent choisir parmi près de 1 500 listes, dont plus de la moitié s’affichent comme «indépendantes».

«Perpétuer le système»

C’est la première fois qu’un nombre aussi élevé d’indépendants se présentent face à des prétendants endossés par des partis largement discrédités et jugés responsables de la crise dans le pays.

Ces nouveaux venus, à l’affiliation floue, pourraient s’imposer comme une nouvelle force avec l’aval du pouvoir, qui a fait appel aux «jeunes» et encouragé leurs candidatures.

D’autant que l’opposition laïque et de gauche, en perte de vitesse, a choisi de boycotter le scrutin.

Quant aux vainqueurs des précédentes législatives en 2017, le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND), associés à l’ère d’Abdelaziz Bouteflika, ils sont aujourd’hui déconsidérés.

Il faut aussi compter avec la mouvance islamiste modérée qui a décidé de prendre part au scrutin. Abderrazak Makri, le président du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), proche des Frères musulmans, s’est dit «prêt à gouverner» en cas de victoire.

Certains analystes prédisent même une majorité relative pour ces partis islamistes modérés dans la nouvelle assemblée.

«Selon un scénario probable, les forces politiques issues de ce scrutin pourraient se regrouper et former une coalition dont l’objectif serait de perpétuer le système», estime le centre de réflexion International Crisis Group (ICG).

«Effrayante escalade»

A l’approche de l’échéance électorale, le chef d’état-major de l’armée, le général Saïd Chengriha, a mis en garde contre «tout plan ou action visant à perturber le déroulement» du vote.

Considéré comme une façade civile de l’institution militaire, le gouvernement s’est efforcé ces derniers mois d’étouffer la contestation, interdisant les manifestations et multipliant les interpellations et les poursuites judiciaires visant opposants, militants, journalistes et avocats.

Estimant avoir déjà répondu aux demandes du Hirak, le pouvoir dénie depuis plusieurs mois toute légitimité à ce mouvement sans véritables leaders, qu’il accuse d’être instrumentalisé par des «parties étrangères».

Quelque 222 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le Comité national pour la libération des détenus.

De l’autre côté de la Méditerranée, en France, où vit une importante communauté d’origine algérienne, les Algériens jugent le régime «capable de tout» pour assurer sa survie.

Aux yeux de Human Rights Watch, qui dénonce une «effrayante escalade répressive», «les vagues promesses d’ouverture et de dialogue du président (Abdelmadjid) Tebboune se fracassent contre la réalité de la répression».

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