L’Algérie susceptible de sanctions suite à la recommandation de l’USCIRF de la maintenir dans la Liste de Surveillance Spéciale du Département d’État américain

La Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale USCIRF a recommandé, dans son rapport annuel 2022 , paru fin avril, de maintenir l’Algérie* dans la liste de surveillance spéciale des pays qui commettent et tolèrent de graves violations de la liberté de religion internationale ; liste dans laquelle l’avait placé en novembre 2021, le département d’Etat américain aux côtés de Cuba, des Comores et du Nicaragua.

Pire que les années précédentes, le rapport de l’USCIRF dresse un état des lieux très inquiétant de la situation de la liberté de religion en Algérie, menacée par les actes de répression conduits par les autorités du pays, notamment à l’encontre des minorités religieuses et des lieux de culte. Ce rapport 2022 comprend même des activistes et opposants politiques que le Département d’Etat avait mentionnés dans son rapport des droits de l’homme 2021, comme étant sous le coup de condamnations basées sur des accusations liées à religion. 

Ainsi, le rapport révèle qu’en 2021, les conditions de la liberté religieuse en Algérie se sont détériorées, le gouvernement appliquant de plus en plus les lois sur le blasphème et continuant à restreindre la pratique des cultes et la fermeture d’églises protestantes portant leur nombre à 20, depuis 2017. 

Les autorités du pays ont également accusé les minorités religieuses de se rassembler illégalement sans leur offrir la possibilité de pratiquer leur culte collectivement. 

D’ailleurs, en novembre 2021, à la suite de l’annonce par le Département d’État américain de l’ajout de l’Algérie à sa liste de surveillance spéciale pour avoir commis et toléré de graves violations de la liberté de religion, le gouvernement algérien a convoqué le président de l’EPA (Association protestante évangélique) devant un tribunal pour avoir pratiqué des rites non-musulmans sans autorisation.

Ces actions ont eu un impact sur les minorités religieuses de toutes confessions et croyances, notamment les chrétiens protestants, les musulmans ahmadis et les libres penseurs.

Dans le détail, en janvier 2021, un tribunal a condamné Hamid Soudad, un chrétien, à cinq ans de prison pour avoir « insulté le prophète de l’islam » en partageant une caricature du prophète sur les médias sociaux. En février, un tribunal a condamné le libre penseur Said Djabelkhir, expert en soufisme et défenseur d’une interprétation progressiste de l’islam, à trois ans de prison et une amende de 50 000 dinars sous prétexte d’ « offense aux préceptes de l’islam » pour avoir écrit sur facebook que le sacrifice de moutons est antérieur à l’islam et pour avoir dénoncé le mariage des mineurs.  Le cas de cet universitaire avait été largement commenté dans le rapport des droits de l’Homme en Algérie 2021 par le département d’Etat US. Egalement mentionné dans les deux rapports, le militant de l’opposition Walid Kechida que les autorités algériennes ont condamné à trois ans de prison en mars 2021 pour avoir « offensé les préceptes » de l’islam dans des mèmes sur Internet. L’USCIRF poursuit avec la condamnation, en juin, pour prosélytisme du pasteur et libraire Rachid Mohamed Seighir et de Mouh Hamimi son employé libraire également, les condamnant à des peines d’un an de prison avec sursis.

L’USCIRF mentionne également deux musulmans ahmadis condamnés à deux ans de prison pour diffamation fondée sur la religion et dénigrement des rituels courants de l’islam.

Dans sa chasse aux minorités religieuses, musulmanes comprises, le gouvernement algérien insiste pour que la communauté musulmane ahmadie s’inscrive auprès de la Commission des groupes religieux non-musulmans, alors que les Ahmadis, qui se considèrent comme musulmans, estiment que cela constitue une violation de leur conscience de musulmans.

Ce tour de vis du régime se poursuit dans une Algérie qui a, précise l’USCIRF, une longue histoire de répression et de persécution des minorités religieuses, notamment à l’encontre des juifs, des bahá’ís, des chrétiens protestants et des musulmans ahmadis. 

Cette persécution est rendue possible à la faveur de lois qui limitent la libre expression et la pratique des croyances et qui favorisent une interprétation particulière de l’Islam tout en restreignant les activités religieuses, explique le rapport. Le Covid-19 a également servi d’alibi dans cette répression des minorités religieuses en Algérie, en ce sens que les communautés chrétiennes n’ont pas pu rouvrir leurs églises, contrairement aux mosquées. 

Le maintien de l’inscription de l’Algérie sur cette liste pourrait avoir des conséquences sur le financement étranger et la coopération entre les États-Unis et l’Algérie, notamment suite au rapport sévère concernant la situation de droits de l’Homme en Algérie 2021, dernièrement diffusé sur le site du Departement d’Etat et qui qualifie Alger de régime autoritaire. L’USCIRF rappelle, dans ce contexte, que les États-Unis sont l’un des principaux partenaires commerciaux de l’Algérie.

*L’Algérie compte près de 43 millions d’habitants, dont 99 % sont estimés être musulmans sunnites. Le 1 % restant de la population est composé de juifs, de non-croyants, de minorités musulmanes (dont les musulmans ahmadis et chiites) et de chrétiens (dont les catholiques romains, les adventistes du septième jour, les méthodistes, les évangéliques, les luthériens, l’Église réformée et les coptes égyptiens). 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *