Algérie : le régime, excédé, hausse le ton contre la contestation populaire

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a mis en garde les manifestants du mouvement prodémocratie du Hirak contre tout «dérapage», alors qu’une foule d’étudiants, d’enseignants et de sympathisants défilaient à Alger, comme chaque mardi, pour réclamer plus de libertés.

La marche, qui rassemble chaque mardi en majorité des étudiants, s’est déroulée sans incident, a constaté l’AFP.

Le président algérien a toutefois mis en garde mardi contre les «activités non innocentes» qui «tentent d’entraver le processus démocratique en Algérie», à l’issue d’une réunion du Haut conseil de sécurité (HCS).  

Tebboune a décidé d’organiser des élections législatives anticipées le 12 juin pour tenter de répondre à la grave crise politique et socio-économique qui ébranle le pays le plus peuplé du Maghreb.  

Mais les hirakistes dénoncent à chaque rassemblement un scrutin qualifié de «mascarade».   

«Libérez les détenus», ont scandé des manifestants dont les pancartes affichaient des portraits de prisonniers.

Vingt-quatre manifestants ont été écroués lundi pour « atteinte à l’unité nationale », après avoir été interpellés lors d’une marche du Hirak samedi à Alger, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).

D’autres militants arrêtés dimanche et lundi, dont le «poète du Hirak» Mohamed Tadjadit, doivent être présentés jeudi devant le procureur du tribunal de Sidi M’hamed à Alger, a précisé le CNLD.

Plus nombreux que la semaine passée, les étudiants ont également manifesté pour les droits à la liberté d’expression et à manifester, jurant de «rester debout face aux corrompus», et lançant les habituels refrains anti-régime.

«Actes subversifs»

Né en février 2019 du rejet massif d’un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika, impotent et reclus, le Hirak réclame un changement radical du système politique en place depuis l’indépendance du pays en 1962.

Ce mouvement populaire inédit en Algérie est pluriel — des laïcs aux islamistes — et sans véritable leadership ni structure politique à ce jour, ce qui l’expose à des risques grandissants de divisions.

Il est aujourd’hui accusé par le pouvoir d’être infiltré par des activistes islamistes, héritiers du Front islamique de salut (FIS, dissous en mars 1992), qui chercheraient à entraîner ce mouvement pacifique dans la confrontation violente.

Face aux marches du Hirak qui ont repris avec vigueur fin février, le président Tebboune, régulièrement conspué par les manifestants, a dénoncé les dérapages qui sortent du cadre de la démocratie et des droits de l’Homme, «avertissant qu’à l’avenir» l’État sera «intransigeant».

Le chef de l’État s’exprimait lors d’une réunion du Haut conseil de sécurité, qui regroupe les principaux hauts responsables de l’État, notamment le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères, son collègue de l’Intérieur et le chef d’état-major de l’armée et le patron de la gendarmerie.  

Lors de cette réunion, le HCS «s’est penché sur les actes subversifs et les graves dérapages émanant de milieux séparatistes et de mouvances illégales proches du terrorisme, qui exploitent les marches hebdomadaires», du Hirak, selon un communiqué.

Le texte vise spécifiquement le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK, indépendantiste), interdit, et le mouvement islamoconservateur Rachad, qui n’a pas d’existence légale en Algérie.

«L’État sera intransigeant face à ces dérapages, qui sortent du cadre de la démocratie et des droits de l’Homme», a averti Tebboune.

Le président algérien a ordonné «l’application immédiate et rigoureuse de la loi en vue de mettre un terme à ces activités sans précédent, notamment à l’égard des institutions et symboles de l’État».

Les protestataires s’en prennent régulièrement aux généraux en place en reprenant un slogan phare du Hirak — «État civil et non militaire» — pour dénoncer le rôle prépondérant à leurs yeux de l’armée, le pilier du régime, dans le mécanisme de décision politique.

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