Enclenché le 22 février dernier, soit depuis maintenant plus de sept mois, ou sur la base d’un autre procédé de calcul, cher au Hirak et aux médias, depuis maintenant 30 semaines de manifestations hebdomadaires, le Hirak algérien qui avait placé très haut la barre de ses revendications et exigences pour une transition démocratique, aura finalement et contre toute attente, débouché sur de maigres résultats, en raison de la position figée, inchangée et intransigeante de l’armée, depuis le départ forcé de Bouteflika.
Le chef d’état-major de l’armée algérienne, Ahmed Gaid Salah, qui a dès le départ, préconisé des élections présidentielles pour le règlement de la crise, est resté fidèle à cette ligne de conduite, pendant que le Hirak réclamait une période de transition, dont la gestion reviendrait à une instance composée de personnalités sans lien avec l’ancien système.
L’option soudanaise a été d’office écartée par l’armée, qui refusait de se mettre à la même table avec des représentants du Hirak et de la société civile, car dans cette hypothèse, elle risquait d’être interpellée, elle aussi, sur la reddition des comptes. Pour rappel, Gaid Salah avait cautionné pendant près de deux décennies l’ancien système de Bouteflika, dont il accuse aujourd’hui, tous les ténors, de corruption et de détournement de deniers publics, dont deux chefs de gouvernements, une vingtaine de ministres, d’anciens généraux de l’armée, le frère et ancien conseiller de Bouteflika, un ancien Moujahid, des hommes d’affaires, des dirigeants politiques, etc.
Maintenant que l’armée a acculé le panel du dialogue pour la préparation des élections présidentielles, une instance désignée, à clore ses travaux le 15 septembre pour enclencher la préparation des élections présidentielles, qui devraient intervenir trois mois plus tard, (le 12 décembre ) l’hypothèse la plus probable pour l’armée serait de suspendre et d’interdire les manifestations, pour réunir et garantir les conditions favorables à la préparation et l’organisation des élections présidentielles.
Le Hirak n’aura obtenu aucune concession, y compris le départ du gouvernement de Noureddine Bedoui, ancien ministre de l’intérieur de Bouteflika, nommé par ce dernier chef de gouvernement, au crépuscule de son règne, également réclamé par le panel du dialogue. L’unique changement a consisté en la mise en place d’une commission électorale «indépendante» au sein de laquelle ne siègent ni l’armée ni le ministère de l’Intérieur et en la modification de la loi électorale. Toutefois, l’organisation matérielle des élections, le suivi et la proclamation des résultats, sont des tâches délicates, qui supposent un soutien indispensable et inévitable du ministère de l’intérieur.
L’armée va finalement trouver des prétextes juridiques pour interdire les manifestations de vendredi et de mardi sur l’ensemble du territoire algérien, qui risqueraient, aux yeux de l’armée, de perturber la campagne électorale, du moins durant la période légale de la campagne électorale.
Même si le Hirak s’oppose aux élections présidentielles, dans le contexte et les règles fixées par l’armée, et même si certains partis politiques boycotteront ces élections, il suffira que quelques candidats proclament leurs intentions de se présenter à ces élections, pour que le processus soit enclenché dans le pays, et le Hirak interdit.
L’armée a tous les moyens de le faire, et y a été sensibilisée, lors de plusieurs tournées régionales redondantes de son chef.
Les questions qui demeurent naturellement en suspens, c’est comment le Hirak ou les algériens, qui descendent dans la rue tous les vendredis et tous les mardis, dans pratiquement toutes les grandes villes du pays, mobilisant des millions d’Algériens, vont réagir à cet acharnement de l’armée à organiser des élections présidentielles, coûte que coûte, ignorant drôlement et terriblement les revendications et les exigences du peuple algérien, répétées tous les mardis et vendredis, depuis maintenant plus de 30 semaines.
Il est bien clair que la voix du peuple algérien, qui exigeait le départ de tous les symboles d’un ancien système décrié de tous, n’aura pas été entendue.
Il serait ainsi illusoire de penser que l’armée, qui revendique pourtant le titre d’héritière de l’armée de libération, puisse un jour se décider à faire siennes les exigences du peuple algérien.
Feu Ait Ahmed, leader démocrate algérien, qui a passé l’essentiel de sa vie en exil en Suisse, n’a-t-il pas dit un jour : «le pouvoir algérien est mal placé pour parler de l’autodétermination d’autres peuples, quand il refuse ce droit au peuple algérien».
Malgré cela, les diplomates algériens continueront, sans scrupule, de plaider, dans les tribunes internationales, l’autodétermination du «peuple sahraoui». Ce pari semble avoir été relevé à l’intérieur de l’Algérie, en faveur de plus de 35 millions d’habitants !.
Autre interrogation évidente : comment l’armée algérienne va-t-elle gérer cette nouvelle étape, sachant que Gaid Salah montre depuis quelques temps, beaucoup d’empressement pour en finir avec cette situation. Elire un président, le plus rapidement possible, devint le crédo de tous ses discours.
La nouvelle étape reste porteuse de graves risques.
*journaliste et écrivain
Spécialiste de l’Algérie