Après l’échec de sa propagande contre l’armée marocaine, le régime algérien verrouille sa capitale après l’évasion (réelle) du général Haddad, sa boîte noire

Alger et sa périphérie ont connu, les 18 et 19 septembre, une démonstration sécuritaire d’une ampleur qualifiée par la presse française d’«inédite depuis la décennie noire». Selon Le Monde, ce déploiement s’explique par la fuite du général Abdelkader Haddad, dit «Nacer El Djin», ancien directeur de la sécurité intérieure, placé sous résidence surveillée depuis son éviction en mai. La propagande officielle a, dans le même temps, diffusé des rumeurs visant l’armée marocaine afin de détourner l’attention de cet épisode embarrassant.

Une capitale paralysée par les barrages sécuritaires

D’après le quotidien, les autorités ont érigé des points de contrôle de la police et de l’armée, bloqué certaines voies, et soumis les véhicules à des fouilles systématiques, parfois par des agents en civil. Ces opérations ont engendré de longues heures d’embouteillages. Des hélicoptères ont survolé la capitale, donnant l’impression d’une chasse à l’homme.

Toujours selon Le Monde, l’officier, après sa mise à l’écart, a été incarcéré d’abord à la prison militaire de Blida puis transféré à Béchar (ouest du pays), avant d’être assigné à résidence dans une villa de Dely Ibrahim, en hauteur d’Alger. Il serait parvenu, au milieu de la semaine écoulée, à échapper à la surveillance de ses gardiens, selon une source officielle algérienne.

Fractures au sein du pouvoir militaire

L’hebdomadaire souligne que cette disparition a provoqué un véritable séisme au sommet de l’État. Le Haut Conseil de sécurité aurait été convoqué en urgence, face aux soupçons de complicités internes qui auraient rendu possible cette évasion. Le Monde y voit le signe d’une profonde désorganisation, malgré le discours officiel vantant «l’Algérie nouvelle» du président Abdelmadjid Tebboune.

Le silence des médias locaux, contraints à l’autocensure, a nourri les conjectures. Certains évoquent un départ vers l’Espagne, où le général vivait entre 2015 et 2020, d’autres son maintien clandestin sur le territoire national. Des rumeurs signalent même l’arrestation de plusieurs officiers accusés de lui avoir facilité la fuite. Le Monde rappelle que Nacer El Djin est considéré comme un «réservoir de secrets» sur la haute hiérarchie. L’affaire illustre une nouvelle fois les convulsions d’un appareil politico-militaire déjà fragilisé par une succession de purges.

Héritage de purges et rivalités internes

Avant son éviction, celle du général Mahna Djebbar, directeur du renseignement extérieur, en septembre 2024, avait déjà marqué une étape de cette instabilité chronique. Depuis l’accession de M. Tebboune en 2019, sept responsables se sont succédé à la tête du renseignement extérieur, et cinq à la sécurité intérieure.

Selon Le Monde, près de deux cents officiers supérieurs, dont une trentaine de généraux, seraient actuellement incarcérés. Certains ont cependant retrouvé des responsabilités après une disgrâce prolongée, tel le général Abdelkader Aït Ouarabi, dit «général Hassan», revenu aux commandes de la sécurité intérieure après plusieurs années de détention.

Cette instabilité trouve ses racines, selon des analystes, dans la décision de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, appuyé par le chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, de démanteler en 2015 le puissant Département du renseignement et de la sécurité (DRS) dirigé par Mohamed Mediene, surnommé «Tewfik». Cette réforme, consécutive à l’attentat sanglant contre le complexe gazier de Tiguentourine en 2013, a brisé l’équilibre entre la présidence, l’état-major et les services. Elle a aussi favorisé la montée d’une oligarchie économique nourrie de clientélisme et de corruption.

L’universitaire Ali Ben Saad, professeur de géopolitique à l’université Paris 8, a confié au journal : «Le renseignement constituait à la fois un clan et un arbitre, une instance de régulation entre l’armée, la société et, en son sein même, la hiérarchie militaire. Sa disparition a privé l’appareil d’une capacité de régulation interne. Depuis lors, l’institution militaire vit dans un état d’instabilité chronique, traversée de rivalités où nombre d’officiers estiment la situation intenable.»

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