Au Maroc, le gouvernement et les services publics ne recueillent que 21 % et 31 % de satisfaction, selon des chiffres de la Banque mondiale

Le dernier rapport de la Banque mondiale, intitulé «Reforming for Effective Coverage – Resilient Human Development Institutions in the MENA Region» et publié en 2025, dresse un constat sévère concernant le Maroc : malgré des engagements financiers notables dans le capital humain, la défiance des citoyens à l’égard de leurs institutions demeure persistante, traduisant un décalage profond entre les investissements consentis et la perception de leurs résultats.

L’étude cite en premier lieu les résultats du Arab Barometer (vague 7, 2021-2022), selon lesquels «seuls 21 % des personnes interrogées se disent satisfaites ou très satisfaites de l’action gouvernementale». Le mécontentement est encore plus marqué lorsqu’il s’agit des services publics essentiels : «18 % pour le système éducatif et 24 % pour le système de santé».

Le rapport relève également que «cette défiance s’exprime plus fortement chez les hommes (39 % de complètement insatisfaits) que chez les femmes (34 %)». Le niveau d’éducation n’atténue guère cette perception : «les citoyens les plus diplômés ne sont que 31 % à se déclarer satisfaits». Sur le temps long, la tendance est déclinante : «le pourcentage de satisfaits ou très satisfaits quant à la performance gouvernementale» est passé de 35 % en 2021 à 24 % en 2023-2024.

Cette défiance se traduit également dans la relation aux institutions. L’indice de «confiance dans le gouvernement par pays» révèle que «62 % des Marocains expriment peu ou pas du tout confiance en leur gouvernement». Seules certaines institutions échappent partiellement à ce discrédit : «les sociétés civiles et les hôpitaux privés recueillent des scores moyens de 50 % et 47 % de défiance respectivement». Le World Values Survey confirme ce climat en soulignant qu’une écrasante majorité, «86,5 % de la population, perçoit un haut niveau de corruption».

Des investissements soutenus mais des résultats inachevés

Le rapport relève que le royaume alloue une part importante de son produit intérieur brut (PIB) aux secteurs sociaux. Les données indiquent que «les dépenses d’éducation en pourcentage du PIB s’élèvent à 6 %, un taux supérieur à la moyenne régionale MENA (5 %) et mondiale (4 %)». De même, «les dépenses de protection sociale (% du PIB) atteignent 9 %, contre une moyenne mondiale de 5 %». Quant aux préférences exprimées par la population, «les priorités de dépenses par pays» placent l’éducation (15 %) et la santé (28 %) juste derrière les subventions (27 %), confirmant l’importance accordée par les citoyens à ces domaines.

Cependant, malgré cette enveloppe financière conséquente, les résultats sont jugés préoccupants. Le Maroc enregistre «un taux de pauvreté des apprentissages de 60 %», signe d’un déficit grave dans la qualité de l’enseignement. L’Indice de capital humain (ICH), indicateur de référence de la Banque mondiale, demeure inchangé à «0,50 depuis 2017, un niveau inférieur à la moyenne régionale fixée à 0,57».

Le rapport pointe également les déséquilibres structurels du marché du travail public : «la prime salariale du secteur public est négative (-14 %) par rapport au privé». Il rappelle en outre que «les femmes, bien qu’elles représentent 26 % des emplois publics, subissent des inégalités salariales».

Des faiblesses persistantes en matière de gouvernance

Au-delà des données financières et sociales, le document consacre un chapitre aux indicateurs de gouvernance. Le Maroc affiche «un score de 0,53 sur l’indice Gov Tech», mesurant l’usage du numérique par l’administration publique, et «un score de 4,00 sur l’Indice de capacité statistique». Quant au Bertelsmann Transformation Index (BTI), il attribue au royaume «une note de 4,54, le situant dans la moyenne basse des pays de la région».

Ces évaluations, insiste le rapport, reflètent «les défis persistants dans la qualité de la gouvernance et dans la transformation politique». La Banque mondiale souligne que l’écart entre ressources mobilisées et attentes populaires fragilise l’efficacité des politiques publiques, tout en alimentant une défiance de masse dont les chiffres témoignent avec constance.

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