Le Maroc procède à une refonte complète de son architecture de renseignement, confrontée à la complexification des menaces et aux défis technologiques. Une note stratégique du R.O.C.K. Institute, rendue publique et consultée par Barlamane.com, analyse cette évolution où «les services sont essentiels pour anticiper les menaces, diminuer l’incertitude et préserver la stabilité intérieure» dans un contexte géopolitique turbulent.
Fondements historiques et tournant juridique
L’héritage séculaire du renseignement marocain puise ses racines dans les pratiques du Makhzen, dont les réseaux d’informateurs fournissaient «une photographie quasi instantanée de la situation aux pouvoirs centraux». L’ère moderne s’ouvre après 1956 avec la création de la Direction générale des études et de la documentation (DGED) et de la Direction de la surveillance du territoire (DGST). Les attentats de Casablanca en 2003, qualifiés de «choc national et tournant stratégique», précipitent une «juridicisation» via la loi 03-03 antiterroriste. La Constitution de 2011 parachève ce cadre en imposant que «toute intrusion dans la sphère privée [soit] justifiée par une base légale claire» (articles 24-27).
Leadership opérationnel : Abdellatif Hammouchi, pivot de la synergie
La direction conjointe de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) et de la DGST par Abdellatif Hammouchi depuis 2015 constitue une singularité institutionnelle. Le rapport souligne que cette configuration «illustre un modèle rare de pilotage unifié, favorisant la synergie opérationnelle et la cohérence des actions de sécurité». Sous son autorité, le dispositif a connu une «modernisation continue des dispositifs» et un renforcement des coopérations internationales, lui valant «plusieurs distinctions honorifiques en Espagne, France et États-Unis». La création du Bureau central d’investigations judiciaires (BCIJ) en 2015, agissant comme «bras judiciaire» de la DGST, incarne cette approche intégrée.
Menaces contemporaines et impératifs technologiques
L’écosystème affronte désormais des périls polymorphes : «cyberattaques coordonnées contre des ministères», «campagnes de désinformation» et «espionnage économique». Le rapport alerte sur les risques émergents comme l’intelligence artificielle, «double tranchant» pouvant générer des «biais algorithmiques», ou la cryptographie quantique exposée au «risque « harvest now, decrypt later »». Ces défis exigent une adaptation législative urgente, notamment pour encadrer «l’interception numérique» dans un monde où «l’information voyage plus vite que la loi».
Recommandations prospectives
Le document préconise l’adoption d’une «loi-cadre sur le renseignement» définissant missions et limites, et une modernisation de l’article 108 du code de procédure pénale pour intégrer «la chaîne de custodie numérique». Il insiste sur la migration vers des algorithmes post-quantiques et la création d’un «Comité technico-éthique interministériel» pour superviser l’usage de l’IA. Ces mesures visent à construire un «renseignement de nouvelle génération à l’horizon 2030», capable d’allier «efficacité opérationnelle et respect des libertés» dans un paysage de menaces en perpétuelle mutation.