Dans les plis de l’Anti-Atlas marocain, les géologues déchiffrent le chaos magnétique de la Terre primitive

Une équipe internationale de chercheurs a mis en évidence dans les montagnes de l’Anti-Atlas, au sud du Maroc, des traces fossiles d’un champ magnétique d’une instabilité extrême, remontant à plus de 560 millions d’années. Ces observations, d’après l’étude publiée dans Science Advances, bouleversent la compréhension des fluctuations internes de la Terre à la fin du précambrien.

Les scientifiques soulignent que les roches volcaniques de l’Anti-Atlas ont préservé les orientations du champ magnétique au moment de leur refroidissement. Selon eux, «les empreintes détectées ne traduisent pas de simples fluctuations aléatoires, mais une organisation sous-jacente révélant des déplacements rapides et désordonnés des pôles terrestres».

Durant le moyen Édiacarien, soit entre 591 et 565 millions d’années avant notre ère, «l’intensité du champ terrestre s’était effondrée jusqu’à un dixième de sa force habituelle». Certains géologues avaient déjà associé cet affaiblissement à «l’émergence des premières formes animales complexes et mobiles», mais les nouveaux relevés montrent que «la faiblesse du champ s’accompagnait d’une agitation sans précédent».

Les chercheurs rappellent que, de nos jours, «le champ magnétique reste suffisamment stable pour permettre la navigation par boussole, malgré le déplacement actuel des pôles à raison de soixante kilomètres par an». Mais les anomalies observées dans les échantillons marocains dépassent de très loin les variations connues de l’époque récente.

Une oscillation des pôles à un rythme fulgurant

Les auteurs précisent avoir appliqué une méthode de datation à résolution stratigraphique élevée pour isoler la période des anomalies. Ils estiment que «les inversions du champ se sont concentrées entre 568 et 562 millions d’années, au moment même où s’achevait la phase d’affaiblissement général».

Ce résultat invalide l’hypothèse d’une dérive accélérée des continents : «les changements d’orientation observés se produisaient sur quelques milliers d’années seulement, ce qui exclut tout lien avec les mouvements tectoniques». En revanche, «il s’agissait bien de basculements du champ lui-même, les pôles semblant hésiter, se renverser, puis se rétablir sans stabilité durable».

Le professeur David Evans, l’un des signataires de l’étude, estime que cette découverte «ouvre la voie à une cartographie plus précise des anciens continents, grâce à une lecture renouvelée du magnétisme fossile». Le chercheur évoque «une structure interne du champ, jusque-là méconnue, où l’ordre et le chaos s’entremêlent».

Pourquoi ce phénomène s’est-il produit précisément à cette période demeure une interrogation majeure. Les auteurs avancent que «de tels épisodes de désordre magnétique pourraient se répéter tous les deux cents millions d’années, bien que le prochain ne soit pas attendu avant quelque cinquante millions d’années». Ces résultats obtenus à partir des roches marocaines rappellent que l’histoire de la Terre est jalonnée de bouleversements invisibles mais décisifs — des pulsations profondes dont la mémoire se lit encore, dans les couches pétrifiées de l’Anti-Atlas.

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