La multi-pilule, remède miracle contre les maladies cardiovasculaires ? Eclairage du Dr Jawad Guerraoui

Depuis 2011, une multi-pillule fait l’objet de recherches pharmaceutiques. Aujourd’hui, une étude révèle qu’elle est au point. Il s’agirait d’une poly pilule, également appelée multi-pilule, combinant des molécules soignant le cholestérol, l’hypertension et de l’aspirine, et qui, si prise quotidiennement, réduirait considérablement le risque d’accidents cardiovasculaires. Zoom sur cette pilule aux multiples effets.

Moins chère et moins contraignante à administrer pour les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires chroniques -puisque plusieurs en une-, cette pilule réduirait d’au moins 30% le risque d’accidents cardiovasculaires. Si elle était importée au Maroc, cette pilule représenterait une avancée de taille pour les patients, vu que les maladies cardiovasculaires figurent parmi les premières causes de mortalité au Maroc. Le Dr.Jawad Guerraoui, médecin cardiologue, nous en dit plus sur cette polypilule.

En termes de composition, cette pilule contenant quatre principes actifs permet de réduire d’un tiers le risque de maladies cardiaques et d’AVC. Cette polypilule associe une statine [NDLR : actif agissant contre le cholestérol], de l’aspirine et deux anti-hypertenseurs, a été testée en Iran auprès de 6.800 personnes âgées de 50 à 75 ans, selon une nouvelle étude parue dans The Lancet le 24 août. D’après les résultats, le groupe ayant pris régulièrement les comprimés présentent une réduction de 34 % de leur risque de mortalité par accident cardiovasculaire par rapport au groupe ayant reçu uniquement des conseils de prévention.

L’administration généralisée d’un tel traitement préventif fait toutefois débat auprès des cardiologues. Une pilule combinée reviendrait beaucoup moins chère à fabriquer, à distribuer et à prescrire que des médicaments séparés, puisque les fabricants en feraient des économies en termes de packaging ou d’enrobage de comprimés. Elle se présente manifestement comme une alternative correcte pour les pays émergents, puisque, sur 18 millions de personnes qui meurent chaque année d’accidents cardiovasculaires, les trois quarts proviennent de pays à revenus faibles ou intermédiaires.

Le Dr. Guerraoui explique cependant que les brevets de fabrication entrent en considération. Le brevet a une durée limitée à 20 ans à compter du jour de dépôt de la demande. Deux décennies où la fabrication et la vente du médicament est l’exclusivité d’un laboratoire.

« Si les molécules sont vieilles, le processus pour les combiner en une seule pilule ne l’est pas, et ainsi, il risque de faire l’objet d’un brevet », clarifie le Dr. Guerraoui, ce qui ne permettra pas aux pays émergents comme le Maroc de fabriquer le médicament. Il faudra donc se contenter de l’acheter auprès du laboratoire. De plus, « mettre les 4 molécules ensemble de manière stable dans le même comprimé est un procédé très compliqué », ajoute Dr. Guerraoui, « et rien n’oblige les laboratoires, qui ont réussi à avoir cette stabilité et ce génie pharmaceutique, à le partager. »

« C’est un médicament qui peut-être très intéressant pour un pays comme le Maroc », affirme le Dr. Guerraoui. cependant, en termes de coûts, pour rendre un médicament aussi innovant, accessible à la totalité des patients et à des prix abordables, « il relève des prérogatives de la CNOPS et de la CNSS d’amortir le coût de ces médicaments au cas où ils seraient importés au Maroc », affirme le Dr. Guerraoui, « ils doivent accepter d’inclure cette multi- pilule dans la panoplie des médicaments pris en charge. »

Si cette pilule fascine le monde pharmaceutique, d’autres études préviennent contre le risque de cumuler les effets secondaires liés aux différentes molécules présentes dans le comprimé. Notamment contre la prise régulière d’aspirine, molécule présente dans les multi-pilules et connue pour son efficacité contre les crises cardiaques. Néanmoins, même si les problèmes cardiovasculaires peuvent être réduits, la prise régulière d’aspirine s’accompagne d’un risque accru d’événements hémorragiques.

Pour le Dr. Guerraoui, « le souci se pose quand il s’agit des doses prescrites pour chaque substance« . En effet, la multi-pilule contiendra des doses nettes de certaines substances, et « le cas de certains patients requiert un peu plus ou un peu moins d’une substance particulière. Prescrire des médicaments séparés permet de réguler le traitement selon le profil du malade, et c’est un concept très important ». Un avantage de cette polypilule serait qu’elle « améliorerait l’observance du médicament« , c’est-à-dire l’adéquation entre le comportement du patient et le traitement proposé, en réduisant les oublis des patients de maladies chroniques, qui « peuvent parfois omettre de prendre un de leurs médicaments quand ils en ont plusieurs », conclut Dr. Guerraoui.

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