Le groupe OCP, fleuron de l’industrie chimique marocaine, vient de présenter une formulation inédite baptisée NP 5-42, que les spécialistes considèrent déjà comme une étape décisive dans l’évolution des engrais phosphatés. Ce fertilisant binaire, contenant précisément 5 % d’azote et 42 % de phosphate (P₂O₅), traduit une réorientation stratégique des pratiques de nutrition végétale fondée sur la maîtrise des coûts de matières premières et la précision agronomique.
Selon l’OCP, «le NP 5-42 ne se réduit pas à un produit supplémentaire sur le marché, mais représente une refonte du rapport entre azote et phosphore dans les cultures à forte exigence phosphatée.» Le composé, référencé sous le code douanier HS 310559, utilise l’ammoniac comme unique source d’azote, tout en demeurant compatible avec les systèmes agricoles et industriels existants.
Le lancement de ce fertilisant intervient alors que «le prix de l’ammoniac a progressé d’environ 50 % depuis juin 2025, atteignant 590 dollars la tonne CFR rendue au Maroc à la date du 30 octobre.» Cette envolée accentue la pertinence d’un produit dont la conception permet, toujours selon OCP, «une réduction d’environ 72 % de la dépendance à l’ammoniac par rapport au phosphate diammonique (DAP) traditionnel, lequel contient 18 % d’azote et exige d’importants volumes de gaz de synthèse.»
Un nouvel équilibre entre azote et phosphore
Le profil nutritif du NP 5-42 se situe à mi-chemin entre le phosphate triple super (TSP 46 % P₂O₅) et les formules plus azotées telles que le DAP. OCP souligne que «la différence de quatre points de phosphate entre le NP 5-42 et le TSP crée une latitude stratégique pour ajuster les doses en fonction des besoins réels en phosphore, sans excès d’azote.»
Les données d’exportation confirment l’intérêt croissant pour ces formulations spécialisées. Entre janvier et octobre 2025, les ventes marocaines vers l’Europe ont atteint 585 000 tonnes pour le DAP, 209 000 tonnes pour le phosphate monoammonique (MAP) et 96 000 tonnes pour le TSP. «Le TSP ne représente encore qu’environ 10,8 % des exportations marocaines de phosphates vers l’Europe, ce qui ouvre un large champ à des produits à haute teneur en phosphore et faible azote,» indique un rapport sectoriel consulté à Casablanca. Les acheteurs européens, tout en saluant la cohérence technique du produit, ont toutefois jugé «que sa mise sur le marché coïncidait avec la fin du cycle de planification des semis, période durant laquelle les mélangeurs NPK privilégient la continuité des approvisionnements existants.»
Une production rationnelle face à la volatilité des intrants
Le procédé industriel mis au point par l’OCP pour le NP 5-42 repose sur une gestion plus sobre des matières premières, tout en garantissant la compatibilité du produit avec les systèmes de granulation à vapeur utilisés dans la fabrication des engrais composés. L’entreprise précise que «la simplification de la formule binaire facilite les contrôles de qualité et assure une constance granulométrique adaptée aux exigences des mélangeurs mécaniques.»
Face à la flambée des prix de l’ammoniac – passé d’environ 393 dollars la tonne en juin à 590 dollars en octobre – OCP estime que «la réduction de la part d’ammoniac dans la formulation constitue désormais un avantage économique décisif.» Le groupe a, en outre, conçu le NP 5-42 comme un produit intermédiaire pouvant être combiné à des sources d’azote complémentaires : urée (46 % N), sulfate d’ammonium (21 % N), nitrate d’ammonium (34 % N) ou nitrate d’ammonium calcique (27 % N). «Cette polyvalence confère aux fabricants d’engrais composés une souplesse nouvelle pour ajuster leurs formules selon les contraintes de marché,» a-t-on souligné.
Classé sous le code HS 310559, le NP 5-42 relève juridiquement de la catégorie des engrais composés et non des produits à nutriment unique, ce qui «garantit un traitement réglementaire cohérent dans le commerce international tout en affirmant son statut de matière intermédiaire spécialisée.»
Des usages ciblés pour une nutrition racinaire de précision
Ce fertilisant à haute teneur en phosphore répond à des besoins spécifiques : cultures racinaires, légumineuses fixatrices d’azote, céréales en phase d’implantation ou systèmes pérennes exigeant un enracinement profond. OCP souligne que «les 5 % d’azote suffisent à soutenir le démarrage végétatif sans provoquer une croissance foliaire excessive susceptible de retarder la maturité.»
Le phosphore, rappelle l’entreprise, «constitue le noyau des processus énergétiques, du développement racinaire et de la formation des tissus reproducteurs.» Avec 42 % de P₂O₅, le NP 5-42 assure «une disponibilité continue du phosphore tout au long des phases critiques de croissance, tout en laissant aux agriculteurs la liberté d’ajouter de l’azote en fonction des analyses de sol.»
Cette innovation, issue des laboratoires de Benguérir et de Jorf Lasfar, illustre la volonté du groupe OCP de refonder la logique des engrais composés : offrir des formulations de précision, économes en intrants, adaptées aux nouveaux équilibres du marché mondial et à la transition énergétique qui bouleverse la chimie des fertilisants.