Le Maroc a annoncé l’instauration, du 1ᵉʳ janvier au 28 février 2026, d’une interdiction temporaire de la pêche des petits pélagiques, marquant la première application nationale d’un repos biologique destiné à protéger ces espèces fragilisées.
Cette décision répond à une préoccupation croissante concernant l’état des ressources halieutiques. Selon les données officielles, les sardines – qui constituent près de 85 % des petits pélagiques du pays – ont vu leurs débarquements chuter de 965 000 tonnes en 2022 à 525 000 tonnes en 2024. L’Union nationale des industries de la conserve du poisson (UNICOP) a attribué cette dégradation à «la capture de juvéniles, à l’insuffisance des contrôles contre la pêche illégale et à des périodes de repos biologique mal adaptées».
Un potentiel aquacole encore largement inexploité
Dans le même temps, les autorités marocaines misent sur l’aquaculture pour atténuer la pression exercée sur les ressources halieutiques. Les chiffres officiels indiquent que la production aquacole nationale a atteint 3 644 tonnes en 2024, contre moins de 500 tonnes en 2013, alors que le potentiel estimé du secteur s’élève à 300 000 tonnes par an.
Malgré une progression notable, cette production demeure marginale au regard de la demande intérieure en produits de la mer. La Banque mondiale, dans son rapport de septembre 2025 intitulé Harnessing Morocco’s Coastal Wealth : A Strategic Review of Marine Aquaculture for Job Creation and Sustainable Growth, souligne «la persistance d’obstacles administratifs, le manque d’infrastructures adaptées et l’insuffisance du financement».
Le document évoque notamment des «procédures d’autorisation longues et complexes», résultant de la superposition des compétences institutionnelles et de «l’absence d’un guichet unique pour les investisseurs». Ces lenteurs freinent la mobilisation du capital privé et retardent la structuration du secteur, malgré les efforts de l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA), créée en 2011, et de la direction des pêches maritimes (DPM).
Des réformes structurelles préconisées par la Banque mondiale
Pour accélérer la croissance de l’aquaculture marine, la Banque mondiale recommande «un cadre réglementaire simplifié, des procédures numérisées et le renforcement des capacités institutionnelles régionales». Elle appelle également à «la création d’un fonds d’investissement dédié à l’aquaculture», ainsi qu’à l’utilisation d’instruments financiers innovants tels que les obligations bleues et les crédits carbone et azote.
La production d’aliments pour poissons, qui peut représenter jusqu’à 80 % des coûts d’élevage, demeure un enjeu crucial. L’institution préconise «la mise à jour des règles encadrant les sources protéiques autorisées», afin d’y intégrer des protéines animales transformées ou des farines d’insectes, notamment issues de la mouche soldat noire.
Selon les estimations de la Banque mondiale, le marché marocain des produits de la mer atteindra 1,07 milliard de dollars en 2025, avec une croissance annuelle moyenne de 6,3 % jusqu’en 2030. Sans un essor marqué de l’aquaculture, la pêche – qui fournit déjà près de 99 % du poisson consommé au niveau national – subira une pression accrue.
Le royaume compte aujourd’hui plus de 300 projets aquacoles d’une capacité cumulée de 200 000 tonnes, dont 183 exploitations déjà opérationnelles. Ces fermes, gérées par 11 investisseurs privés, visent une production annuelle supérieure à 70 000 tonnes et devraient générer quelque 5 000 emplois directs et 10 000 emplois indirects.