La Banque mondiale a publié, lundi 20 octobre, un plan d’engagement environnemental et social définissant avec précision la structure, les obligations et les mécanismes de suivi du programme marocain de transformation des systèmes agroalimentaires. Élaboré par le ministère de l’agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, ce document, daté du 15 octobre et référencé P181587, expose de manière détaillée la répartition des responsabilités entre l’État marocain et l’institution financière internationale. Il y est précisé que «le royaume du Maroc, par l’intermédiaire du ministère de l’agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts, mettra en œuvre la composante d’assistance technique financée par prêt, et les activités relevant de la composante financée par don du Fonds Planète Vivable». Le texte souligne que «la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) s’est engagée à assurer le financement des deux composantes, selon les accords de prêt et de don conclus à cet effet».
Le plan précise ensuite que «le bénéficiaire veillera à ce que les deux composantes soient conduites conformément aux normes environnementales et sociales et aux dispositions du présent plan, dans des conditions jugées satisfaisantes par la Banque». Cette exigence donne au dispositif une portée juridique et technique étendue, intégrée de plein droit aux conventions de financement. Il est également mentionné que «le plan d’engagement environnemental et social fait partie intégrante des deux accords», et que «les termes figurant en majuscules y ont le sens défini dans lesdits accords, sauf indication contraire». Ces précisions confèrent au texte une valeur normative, contraignant les institutions publiques concernées à se conformer à des obligations détaillées.
Selon le document, «le plan fixe les mesures et actions essentielles que le bénéficiaire doit exécuter ou faire exécuter, y compris les délais, les dispositifs institutionnels, le personnel, la formation, le suivi, la communication des rapports et la gestion des plaintes». Il prévoit en outre que «les documents environnementaux et sociaux nécessaires doivent être préparés, mis à jour, consultés, rendus publics et appliqués conformément aux normes, dans une forme et un contenu acceptables pour la Banque». Ces documents, précise encore le texte, «peuvent être révisés de temps à autre, moyennant accord écrit préalable de la Banque». Le Maroc s’engage de plus à «garantir la disponibilité de fonds suffisants pour couvrir les coûts de mise en œuvre du plan».
Le dispositif repose sur un principe d’adaptabilité : «le plan sera révisé, si nécessaire, afin de refléter les ajustements liés à l’évolution du projet, à des circonstances imprévues ou à la performance du projet lui-même». Le texte stipule qu’en pareil cas, «le bénéficiaire, par l’intermédiaire de l’unité de gestion du projet (UGP), et la Banque conviendront des modifications à apporter au plan par échange de lettres signé entre les deux parties». Il est enfin précisé que «le bénéficiaire rendra publique sans délai la version actualisée du plan». Une sous-section intitulée « Indicateurs de préparation à la mise en œuvre » établit les mesures à suivre pour évaluer la disponibilité opérationnelle du projet, tout en rappelant que «l’ensemble des mesures du plan doivent être exécutées dans les délais fixés, qu’elles figurent ou non dans cette sous-section».
Dispositif institutionnel et suivi administratif
Le texte met en place une architecture organisationnelle précise. Il prévoit «la création et le maintien d’une unité de gestion du projet (UGP) au sein de la direction de la stratégie et des statistiques pour la composante financée par prêt, et au sein de la direction régionale de l’agriculture de Rabat-Salé-Kénitra pour la composante financée par don». Ces structures devront disposer de «personnel qualifié et de ressources suffisantes pour gérer les risques et effets environnementaux et sociaux de chaque composante, y compris un spécialiste de l’environnement et/ou un spécialiste des questions sociales possédant les qualifications et conditions d’emploi jugées satisfaisantes par la Banque».
L’État s’engage à «établir ces deux unités au plus tard trente jours après la date d’entrée en vigueur de chaque accord de prêt et de don, et à maintenir ces postes pendant toute la durée d’exécution du projet». Parallèlement, un programme de renforcement des capacités est instauré : «les besoins de formation des équipes des UGP et des parties prenantes seront déterminés pour assurer la bonne application du plan et la mise en œuvre des cadres environnementaux et sociaux». Les formations porteront notamment sur «les modalités d’exécution et de suivi-évaluation du plan, la cartographie et la mobilisation des parties prenantes, l’application du plan de mobilisation des parties prenantes, l’évaluation environnementale et sociale conforme au cadre de performance, la conception et la gestion d’un mécanisme de réclamation, la prévention et la réponse aux risques d’exploitation et de harcèlement sexuels, ainsi que toute autre activité jugée utile». Ces sessions devront se tenir «pendant toute la période de mise en œuvre du projet».
Le texte insiste également sur la transmission régulière des rapports de suivi. Il impose de «préparer et communiquer périodiquement à la Banque mondiale des rapports de suivi sur la performance environnementale, sociale, sanitaire et sécuritaire du projet». Ces rapports, semestriels, «porteront sur la mise en œuvre du plan, l’avancement des instruments requis, les activités de mobilisation des parties prenantes et le fonctionnement des mécanismes de réclamation». Ils devront être transmis «dans les quarante-cinq jours suivant la fin de chaque période de suivi».
La réactivité face aux incidents constitue une autre exigence. Le plan précise qu’il faut «informer sans délai la Banque de tout incident ou accident lié au projet susceptible d’avoir de graves conséquences pour l’environnement, les communautés, le public ou le personnel». Sont expressément mentionnés «les cas d’exploitation ou d’abus sexuels, de harcèlement sexuel, et les accidents entraînant mort ou blessures graves». Le Maroc devra fournir «des informations détaillées sur la gravité, les causes probables et les mesures prises». Il est prévu que «tout incident soit notifié dans les quarante-huit heures suivant sa connaissance, puis fasse l’objet d’un rapport circonstancié selon un délai convenu avec la Banque».
Mesures environnementales, sociales et techniques
Les obligations relatives à la gestion des risques environnementaux et sociaux figurent parmi les dispositions centrales du plan. Il est stipulé qu’il faut «intégrer les éléments pertinents du plan, y compris les instruments environnementaux et sociaux, les procédures de gestion du travail et le code de conduite, dans les spécifications environnementales, sociales et sanitaires des appels d’offres remis aux entrepreneurs et gestionnaires du projet». Les autorités devront ensuite «veiller à ce que ces prestataires et leurs sous-traitants respectent les exigences environnementales et sociales figurant dans leurs contrats». Ces prescriptions s’appliqueront «avant le lancement de tout appel d’offres ou avant le démarrage des travaux pour les contrats déjà conclus».
Pour ce qui concerne l’assistance technique, il est précisé que «les services de conseil, les études – y compris de faisabilité –, les activités de formation et toutes les autres formes d’assistance technique devront être menés conformément à des termes de référence approuvés par la Banque et alignés sur les normes environnementales et sociales». Les résultats de ces études devront être «pleinement conformes aux prescriptions fixées».
Les aspects relatifs au travail et aux conditions de travail sont régis par la norme ESS2. Le Maroc devra «adopter et appliquer des procédures de gestion du travail pour le projet, comprenant notamment des dispositions sur les conditions de travail, la gestion de la relation employeur-travailleur, la santé et la sécurité au travail, le port des équipements de protection individuelle, les plans d’urgence, le code de conduite incluant la prévention de l’exploitation et du harcèlement sexuels, le travail forcé, le travail des enfants, le mécanisme de réclamation pour les travailleurs et les obligations des fournisseurs, entrepreneurs, sous-traitants et gestionnaires du projet».
Ces mesures seront «intégrées au manuel d’opérations du projet (POM) pour chacune des deux composantes». Le texte précise que «chaque procédure de gestion du travail devra être mise en place dans un délai de soixante jours après l’entrée en vigueur des accords, avant tout recrutement, et maintenue jusqu’à l’achèvement du projet». Par ailleurs, «un mécanisme de réclamation spécifique aux travailleurs devra être établi et maintenu, conformément à la législation nationale du travail et à la norme ESS2, pour traiter leurs doléances et signaler tout abus». Ce dispositif devra être «accessible, confidentiel, et capable de traiter les plaintes liées à l’exploitation et au harcèlement sexuels selon une approche centrée sur les survivantes».
La norme ESS3 traite de la gestion rationnelle des ressources et de la prévention de la pollution. Le plan indique que «pour se conformer à cette norme, le projet doit intégrer des actions ciblées visant à réduire l’usage et les effets des pesticides dans les zones d’intervention». Ces actions consistent à «mettre en œuvre des rotations culturales structurées (céréales-légumineuses), maintenir un couvert végétal pour limiter les mauvaises herbes et les ravageurs, adopter progressivement le semis direct afin de réduire le travail du sol et prévenir l’érosion, et offrir des formations pratiques aux agriculteurs sur la lutte intégrée contre les ravageurs et sur l’usage raisonné des produits chimiques, y compris le calcul des doses, le respect des périodes d’application et la manipulation sûre des contenants vides». Pour la composante financée par don, il est prévu «d’établir un plan de gestion des pesticides dans les quatre-vingt-dix jours suivant l’entrée en vigueur de l’accord, avant le recrutement de tout prestataire, et de l’appliquer pendant toute la durée du projet».
Le texte précise encore qu’«au titre du mécanisme de bon électronique (e-voucher), certaines activités seront exclues et devront être mentionnées dans le manuel d’opérations du projet pour la composante financée par don». Dans le cadre de la norme ESS4 sur la santé et la sécurité des communautés, le plan prévoit également «la formation pratique des agriculteurs à la lutte intégrée contre les ravageurs et à l’usage rationnel des produits chimiques, en promouvant des solutions alternatives telles que les biopesticides et le désherbage mécanique occasionnel». Ces dispositions devront être mises en place «dans les quatre-vingt-dix jours suivant l’entrée en vigueur de l’accord de don et maintenues pendant toute la mise en œuvre du projet».
Les normes ESS5 à ESS9, concernant respectivement les acquisitions foncières, la biodiversité, les peuples autochtones, le patrimoine culturel et les intermédiaires financiers, ne sont pas applicables à ce programme. La norme ESS10, en revanche, fait l’objet d’une application complète. Elle impose «l’adoption et la mise en œuvre d’un plan de mobilisation des parties prenantes, garantissant la diffusion d’informations pertinentes, compréhensibles et accessibles, et la consultation des parties concernées de manière appropriée, sans manipulation, coercition ni discrimination».
Chaque composante du programme devra «mettre en place ces dispositifs dans les quatre-vingt-dix jours suivant l’entrée en vigueur des accords, puis les maintenir jusqu’à la fin du projet». Enfin, un mécanisme global de gestion des plaintes devra être créé pour «recevoir, enregistrer et résoudre les réclamations, y compris celles présentées de manière anonyme, dans des conditions de transparence et d’équité, sans coût pour les plaignants». Ce mécanisme devra aussi «prendre en charge les plaintes relatives à l’exploitation et au harcèlement sexuels, en orientant les victimes vers les services spécialisés, dans le respect de leur sécurité et de la confidentialité».
Par cette architecture exigeante, le royaume du Maroc et la Banque mondiale établissent un dispositif complet de gouvernance environnementale et sociale pour l’ensemble du programme agroalimentaire. Le texte conjugue des impératifs de transparence, de protection des communautés rurales et de maîtrise des risques, tout en érigeant un modèle administratif où chaque mesure technique s’accompagne d’une responsabilité clairement assignée.