Le Maroc et ses pairs africains en mesure de transformer la rente minérale en puissance industrielle

Un rapport publié par le Boston Consulting Group (BCG) met en lumière la possibilité pour plusieurs nations africaines de passer du rôle d’exportateurs bruts de minerais stratégiques à celui d’acteurs déterminants du nouvel ordre industriel mondial. L’étude souligne que le continent, doté de ressources considérables en cobalt, cuivre, manganèse et métaux du groupe du platine, détient désormais les leviers d’une véritable mutation économique. «L’Afrique possède ce dont le monde a besoin», a déclaré Tycho Moencks, directeur général associé du BCG. «Pour la première fois depuis des générations, le continent peut non seulement servir, mais façonner la prochaine ère industrielle mondiale.»

Une mutation structurelle annoncée

Selon l’analyse du BCG, chaque milliard de dollars (près de 10,2 milliards de dirhams) investi dans l’extraction et la transformation des minerais critiques serait en mesure de générer jusqu’à 280 millions de dollars (près de 2,9 milliards de dirhams) de produit intérieur brut annuel, tout en créant des milliers d’emplois et en alimentant les recettes publiques.

«Il s’agit d’un passage décisif de la simple extraction à la transformation industrielle», a indiqué Lindokuhle Shongwe, responsable de projet au sein du cabinet. «Cette évolution peut engendrer des emplois qualifiés, développer les savoir-faire technologiques et faire des pays africains des partenaires incontournables dans l’économie mondiale de l’énergie propre.»

L’Afrique du Sud se distingue particulièrement par ses abondantes réserves de métaux du groupe du platine et de manganèse, mais également par son expérience minière et ses infrastructures déjà consolidées.

Trois orientations stratégiques

Le rapport du BCG détaille une méthode en trois volets pour permettre aux États africains de capter la valeur ajoutée de cette mutation mondiale.

D’abord, l’attraction d’investissements passe par la clarification des cadres réglementaires et l’élévation des normes environnementales et sociales, gages de crédibilité auprès des partenaires internationaux. La Namibie, citée en exemple, a déjà accompli d’importants progrès dans ce domaine.

Ensuite, la constitution de chaînes de valeur régionales permettrait d’articuler les ressources et les savoir-faire. Le Battery Minerals Corridor, lancé entre la République démocratique du Congo et la Zambie, illustre cette complémentarité en reliant l’extraction du cuivre et du cobalt à des capacités régionales de raffinage et de traitement.

Enfin, la conclusion d’alliances mondiales offrirait aux États africains un double avantage : garantir des débouchés à long terme et accéder aux technologies de pointe. Le Maroc, déjà engagé dans le développement de matériaux de batteries à base de phosphates, sert ici de modèle.

Un moment charnière

«C’est la décennie décisive pour l’Afrique : le continent dispose des minerais, de l’élan et du pouvoir de négociation. Ses dirigeants doivent agir avec clairvoyance et d’un commun élan», a insisté Tycho Moencks. Le BCG estime que les nations africaines bénéficient d’un avantage structurel : contrairement à l’Europe ou à l’Asie, héritières d’infrastructures obsolètes, elles peuvent édifier dès à présent des chaînes de valeur transparentes et numériquement intégrées.

Alors que les États-Unis et l’Union européenne cherchent à sécuriser leurs approvisionnements en minerais critiques, la fenêtre d’influence du continent reste étroite mais déterminante. Selon le rapport, seule une volonté politique ferme permettra de convertir ce potentiel géologique en puissance industrielle durable.

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