Le Middle East Institute considère que la consécration du plan d’autonomie marocain par l’ONU pourrait conduire à un dialogue stratégique entre le Maroc et l’Algérie

Le Maroc a vu, le 31 octobre, le Conseil de sécurité des Nations unies adopter une résolution érigeant son plan d’autonomie en fondement du règlement du différend du Sahara. Selon une analyse publiée par le Middle East Institute (MEI), cette décision constitue «le plus significatif des succès diplomatiques récents de Rabat» et pourrait «ouvrir la voie à une réconciliation entre le Maroc et l’Algérie» propre à remodeler l’équilibre géopolitique du Maghreb.

Le Middle East Institute rappelle que «le Maroc et l’Algérie se sont affrontés dès 1963 lors d’une brève guerre frontalière», née des «tracés arbitraires hérités de la colonisation». Ce conflit, souligne le rapport, «n’a pas modifié les frontières, mais a installé une opposition durable entre deux modèles d’État». «Le Maroc, pro-occidental et favorable au libre-échange, s’est aligné sur les puissances occidentales», tandis que «l’Algérie, fidèle à son héritage révolutionnaire, s’est réclamée du tiers-mondisme et de la solidarité des peuples décolonisés». Ces orientations, selon le MEI, «continuent d’imprégner la rivalité bilatérale».

L’institut note encore que «l’Algérie redoute ce quelle appelle l’expansionnisme marocain» tandis que «Rabat accuse Alger d’avoir soutenu et entretenu le Front Polisario pendant des décennies». Depuis 2020, cette opposition, écrit le MEI, «déborde les sphères diplomatiques pour se manifester dans la culture, le sport et les campagnes de délégitimation mutuelle».

Le Maroc affermit sa prééminence diplomatique et stratégique

Selon le Middle East Institute, «la résolution du 31 octobre couronne plusieurs années de progrès diplomatiques en faveur du Maroc», dont le point d’orgue fut «la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara en 2020», suivie du «soutien de l’Espagne, de la France et du Royaume-Uni au plan d’autonomie». L’institut souligne que «chacune de ces reconnaissances a été accompagnée d’engagements d’investissement dans les provinces du Sud, légitimant davantage le contrôle marocain sur le territoire». Rabat bénéficie en outre, selon le MEI, «d’un avantage technologique et politique auprès de Washington et des capitales européennes grâce à son adhésion aux Accords d’Abraham et à ses partenariats de défense».

Le rapport estime que «le temps joue en faveur du Maroc : chaque mois apporte de nouveaux soutiens diplomatiques consolidant sa position». Dans ce contexte, «le principal – et peut-être seul – motif pour Rabat de négocier avec Alger serait la pression exercée par Washington pour offrir à l’administration Trump une réussite diplomatique».

Une équation défavorable pour Alger mais riche en leviers potentiels

Le Middle East Institute observe que «l’Algérie, depuis la rupture diplomatique d’août 2021, a rejeté toute médiation», tout en soulignant que «ce refus pourrait évoluer après la visite à Alger, en juillet 2025, du conseiller américain Massad Boulos». Cette visite, écrit le MEI, «a été perçue dans la capitale algérienne comme une ouverture vers l’administration Trump».

L’institut note également que «les autorités algériennes redoutent d’éventuelles sanctions du Congrès américain en raison de leurs achats d’armes russes» au titre de la loi Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act (CAATSA). À cela s’ajoute, selon le rapport, «l’isolement croissant d’Alger dans le Sahel, aggravé par sa méfiance à l’égard de la présence des groupes Wagner et Africa Corps au Mali».

Un dialogue nécessaire autour de la sécurité et de l’énergie

L’analyse souligne qu’«une négociation sérieuse pourrait intégrer les préoccupations algériennes : la réforme économique, la stabilité interne et la modernisation du secteur énergétique». Le MEI avance que «l’intégration graduelle de l’Algérie dans les partenariats de défense occidentaux permettrait à Washington de réduire la dépendance d’Alger à l’égard de la Russie», mais «supposerait des décennies de coopération et de confiance».

Sur le plan énergétique, «l’Algérie détient des avantages comparables à ceux du Maroc : non seulement son rôle de fournisseur mondial de gaz, mais aussi son potentiel en énergies renouvelables et son positionnement comme couloir de transit vers l’Europe». L’institut avertit toutefois que «les ressorts de négociation demeurent déséquilibrés». «Le Maroc avance sur tous les fronts – Sahara, Europe, Afrique – tandis que l’Algérie subit une tendance défavorable». Dans ce contexte, «tout accord devra offrir à Alger non seulement une solution de prestige sur le Sahara, mais aussi des bénéfices économiques tangibles».

Des contraintes intérieures et un équilibre militaire précaire

Le MEI souligne que «le Maroc, dont la monarchie a bâti sa légitimité sur l’intégrité territoriale, ne saurait envisager de compromis touchant à sa souveraineté sur les provinces du Sud». À l’inverse, «l’armée algérienne s’est construite comme gardienne contre une menace extérieure, incarnée dans la perception d’un expansionnisme marocain». Ce double verrou, poursuit l’institut, «impose d’élaborer un récit bilatéral permettant à chacun de revendiquer une victoire politique interne à partir d’un même accord».

Le rapport détaille aussi la course aux armements : «Le Maroc a consacré 13 milliards de dollars à la défense en 2025, modernisant ses F-16, négociant l’acquisition de F-35 et du système HIMARS», tandis que «l’Algérie, avec 25 milliards approuvés, vise des chasseurs Su-35 et Su-57 et des missiles Iskander-M».

«Aucun des deux pays ne souhaite la guerre», écrit le MEI, «mais chacun se prépare au pire. La situation illustre une forme classique de dilemme sécuritaire». L’institut estime qu’«tout règlement devra inclure des mécanismes de confiance et de limitation des armements».

Une feuille de route américaine en deux phases

Le Middle East Institute propose «un accord-cadre négocié par Washington» comprenant «un engagement immédiat de désescalade et un calendrier de négociation sur l’autonomie du Sahara». Ce cadre inclurait, selon l’institut, «la réactivation du mandat de la Minurso avec des compétences élargies de vérification du cessez-le-feu» et «la création d’un mécanisme de dialogue direct entre Rabat et Alger».

Une seconde phase viserait «la mise en place de mesures de confiance sécuritaire, la coopération énergétique sous pilotage européen et la coordination antiterroriste dans le Sahel». Enfin, le MEI recommande «une approche collective de la gestion migratoire et des dispositifs de réintégration des réfugiés sahraouis de Tindouf».

Selon le Middle East Institute, «un tel ensemble de mesures pourrait transformer l’Algérie de facteur de blocage en partenaire de négociation crédible et inaugurer une ère nouvelle pour le Maghreb».

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