Selon l’analyste Emanuele Ottolenghi, l’alliance du Polisario avec l’Iran met en lumière «le terrorisme transnational des séparatistes guidés par Brahim Ghali». Des miliciens sahraouis formés par Téhéran ont rejoint les brigades internationales pro-iraniennes en Syrie, avant d’être abandonnés puis capturés après la chute du régime d’Assad. De la fermeture de son bureau à Damas jusqu’à l’appui idéologique de militants occidentaux minoritaires, le Polisario apparaît désormais intégré à l’«axe» piloté par l’Iran où se mêlent causes révolutionnaires éculées et réseaux terroristes.
Dans une analyse fleuve publiée par le site américain Townhall, l’expert indépendant Emanuele Ottolenghi affirme que l’Iran et ses alliés ont subi de lourdes défaites depuis le 7 octobre 2023, avec «l’effondrement du régime syrien de Bachar al-Assad, la décimation du Hezbollah, la dégradation des Houthis et l’anéantissement du Hamas». Pourtant, selon lui, «l’axe n’a pas rétréci, il s’est élargi au Front Polisario», engagé contre le Maroc depuis 1975 autour du conflit du Sahara, avec le soutien de l’Algérie
Des combattants sahraouis enrôlés et abandonnés en Syrie
M. Ottolenghi souligne que «le Polisario n’a que peu de points communs avec les supplétifs chiites de l’Iran au Moyen-Orient», mais que cette alliance a servi les deux parties : les séparatistes reçoivent un appui au nom d’une solidarité anti-impérialiste et l’axe iranien élargit son champ d’action. Il indique que «des combattants du Polisario, formés par l’Iran, ont été incorporés dans des brigades internationales pro-iraniennes défendant le régime syrien». Lorsque celui-ci s’est effondré, «des centaines de miliciens du Polisario sont demeurés en Syrie et ont été faits prisonniers». Le nouveau maître de Damas, Ahmad Al-Charaa, a ordonné «la fermeture du bureau du Polisario dans la capitale syrienne, resté ouvert durant toute la guerre civile».
M. Ottolenghi considère que «l’alignement avec l’Iran et la participation aux exactions de ses mercenaires devraient valoir au Polisario sanctions occidentales et isolement». Mais à l’inverse, cette connivence lui a permis «d’obtenir un surcroît de légitimité auprès d’une gauche mondiale prompte à se mobiliser pour des causes dites de justice sociale».
Héritage révolutionnaire et recyclage idéologique
L’analyste rappelle que «la confluence entre mouvements marxistes, nationalistes et islamistes n’a rien de nouveau». Durant la guerre froide, «l’Union soviétique armait des guérillas sur plusieurs continents et les terroristes se croisaient dans les camps d’entraînement libanais ou libyens, partageant leur savoir-faire et se réclamant d’une lutte internationale». Cette nostalgie demeure, explique-t-il, citant Gustavo Petro, président de Colombie, qui se vantait en 2024 que «ses camarades du M-19 s’étaient entraînés dans le désert libyen aux côtés des Palestiniens et du Polisario, sous l’égide du colonel Kadhafi». Pour M. Ottolenghi, l’Iran a «réactivé cet imaginaire révolutionnaire avec une teinte islamiste, en recyclant les schémas de jadis».
Le discours actuel emprunte, selon lui, au langage de l’«intersectionnalité» qui «prône des solidarités croisées entre groupes [opprimés] et proclame que toutes les luttes de libération sont liées». Ainsi, féministes, militants écologistes, indigénistes et marxistes se retrouvent à défendre les causes de l’axe iranien. Greta Thunberg, en visite à Tindouf, affirmait que «la lutte pour un Sahara occidental libéré est celle de tous et qu’il ne peut y avoir de justice climatique sur une terre occupée (sic)». Ces engagements, précise M. Ottolenghi, montrent comment «les militants occidentaux intègrent le Polisario dans une trame universelle où s’imbriquent féminisme, climat, anticolonialisme et islamisme».
De l’Amérique latine à l’Europe : une galaxie d’alliés
Cette convergence touche également l’Amérique latine. L’analyste cite Sayid Marcos Tenorio, membre du Parti communiste du Brésil, converti au chiisme, président de l’Institut Brésil-Iran et vice-président d’Assaraui Brasilia, ONG favorable au Polisario. Selon M. Ottolenghi, «M. Tenorio a multiplié les voyages à Tindouf et entretient des relations cordiales avec les représentants sahraouis au Brésil, tout en participant à des événements communs de propagande».
Il rappelle que M. Tenorio côtoie Ahmad Shehada, frère du fondateur des brigades Ezzedine al-Qassam du Hamas, et que «ces réseaux entrelacent les récits et multiplient les plateformes où se soutiennent mutuellement les causes de l’axe». En février 2024, une conférence organisée au Brésil pour l’anniversaire de la révolution iranienne associait M. Tenorio, des représentants sahraouis et Thiago Avila, militant de la flottille de Gaza.
Une dérive vers le «terrorisme transnational»
Pour M. Ottolenghi, «ce brouillage idéologique cache la réalité du terrorisme transnational du Polisario». Il avertit que «les militants occidentaux, en croyant s’unir pour la justice sociale, se transforment en relais d’influence de l’axe iranien, qui incarne le bras armé des causes qu’ils prétendent servir». Il conclut en affirmant que «les sociétés occidentales savent où mènent ces exaltations romantiques : dans les années 1960 et 1970, une partie de leur jeunesse a basculé dans la violence organisée pour créer un monde meilleur. L’erreur ne doit pas être reproduite.»