Andrew Forrest, un milliardaire australien qui a fait fortune dans les mines de fer, aurait été photographié récemment, à en croire des tabloïds anglosaxons, en compagnie de Leila Benali, ministre de la transition énergétique et du développement durable, «lors d’un moment intime» au 4ᵉ arrondissement de Paris. La ministre s’estime «visée depuis plus d’une année» et les papiers qui abordent sa supposée relation avec M. Forrest ont été depuis, ou supprimés ou rendus indisponibles. Ce qui n’a pas empêché des médias marocains de céder aux sirènes du bas sensationnalisme.
Si le cliché (non authentifié) a déchaîné les mauvaises passions, c’est parce que M. Forrest a signé début avril un partenariat à parts égales avec l’OCP pour fournir le Maroc et l’Europe en hydrogène vert, en ammoniac vert et en engrais verts, un accord qui comprend également «le développement potentiel d’installations de fabrication et un Hub de R&D pour faire avancer l’industrie de l’énergie renouvelable en rapide croissance au Maroc.»
Cet accord aurait-il avoir fait l’objet d’un conflit d’intérêts ? «Fortescue et le Groupe OCP préparaient les termes de leur collaboration depuis plus de deux ans. Le Maroc ambitionne de devenir une force de production d’énergie verte à long terme», nous confie une source proche du dossier. «Ce sont des plans pour quatre projets phares conçus à grande échelle et qui ont fait objet de grandes concertations avec plusieurs partenaires stratégiques. Tout se déroule selon les grands principes de la transparence», a-t-on ajouté.
Surnommé l’évangéliste du climat, M. Forrest, un grand habitué au Forum économique mondial Davos avait entamé la décarbonation de ses propres activités tout en s’attaquant aux conséquences des énergies fossiles. Selon nos sources, ces dispositions ont fait de lui une cible privilégiée du lobby des hydrocarbures. «Disons que la ministre marocaine paye les frais des relations tourmentées de M. Forrest avec l’opinion publique de son pays», glisse une source marocaine.
Andrew Forrest est-il victime, par la même occasion, d’un coup monté par les poids lourds de l’industrie pétrolière et gazière dans son pays ? Probablement. À la conférence pour le climat COP28 de Dubaï en décembre 2023, M. Forrest a annoncé qu’il faut se défaire des combustibles fossiles et lors d’une table-ronde sur la transition écologique, ses échanges avec les multinationales les plus polluantes ont été tendus et ses faits et gestes sont durablement scrutés par la presse jaune.
Alors que le Maroc aspire à devenir un acteur majeur de l’hydrogène vert en Afrique du Nord, en misant sur les énergies renouvelables, Leila Benali est l’une des voix qui porte «l’offre Maroc» pour l’hydrogène vert à l’échelle internationale. «Le Maroc a réservé quelque 1,5 million d’hectares du domaine public pour accueillir huit sites de production d’hydrogène et d’ammoniac verts. Bonne chance pour convaincre qui que ce soit que ce grand chantier stratégique pourrait être soumis à n’importe quelle influence», soulignent nos sources.
Elles ajoutent : «Nous recevons des projets d’investisseurs australiens, américains, allemands, français ou britanniques. C’est un projet multidimensionnel et les mécanismes de surveillance sont en alerte. L’OCP compte produire en 2030 trois millions de tonnes d' »ammoniac vert » (à partir d’hydrogène vert), d’ici à 2030», chiffrent nos sources, parlant d’une polémique futile.
La feuille de route marocaine pour l’hydrogène vert prévoit de conquérir le marche européen d’ici 2040.