Les vestiges varisques du Rif interne éclairent les convulsions tectoniques de la Pangée

Une équipe franco-marocaine de géologues, au terme de deux décennies de recherches méticuleuses menées dans le Rif interne, lève un pan du voile sur l’histoire tectonique enfouie du nord du Maroc. Dans une étude présentée à l’occasion de l’Assemblée générale de l’EGU (European Geosciences Union) et publiée sous l’intitulé «Variscan orogen witnesses in the internal Rif belt (northern Morocco): Metamorphic evolutions, ages and tectonic evolution during Pangaea amalgamation» (Lardeaux et al., 2025), les auteurs mettent en lumière la persistance d’un socle varisque insoupçonné, dissimulé sous les effets ultérieurs des cycles alpins.

Ce segment septentrional du Maroc, longtemps interprété exclusivement au prisme des dynamiques méso-cénozoïques, révèle en vérité un palimpseste tectonique d’une richesse insoupçonnée. Les zones dites des Ghomarides et des Sebtides – deux unités internes du Rif – conservent les stigmates d’un épisode orogénique datant de l’ère paléozoïque, précisément du cycle varisque, témoin des processus de collision ayant contribué à la coalescence de la Pangée.

En adoptant une approche intégrée alliant cartographie structurale de haute résolution, analyses pétrologiques (géothermobarométrie croisée à la modélisation thermodynamique) et méthodes géochronologiques de pointe (datations U–Th–Pb in situ sur monazites, ^40Ar/^39Ar sur micas blancs), les auteurs identifient plusieurs épisodes métamorphiques successifs. L’un des plus significatifs, daté du Carbonifère supérieur au Permien inférieur, témoigne de conditions extrêmes (1,5 à 2,0 GPa pour 760 à 820 °C), caractéristiques d’un épaississement crustal en zone de collision continentale.

Un second épisode, reconnu dans les Sebtides supérieures, correspond à un métamorphisme de faciès amphibolite contemporain de l’émplacement du massif de péridotites de Beni Bousera, au Trias supérieur. Cette dynamique s’inscrit dans les premiers soubresauts du démantèlement de la Pangée, en lien avec les prémices du rifting atlanto-méditerranéen.

Enfin, l’étude met en évidence un dernier événement, plus récent, daté de l’Oligocène terminal au Miocène précoce, marqué par un métamorphisme de faciès granulite moyen-pression ayant provoqué une fusion partielle de la croûte et la cristallisation d’une foliation régionale dans les unités du Sebtide inférieur.

Ces jalons tectono-métamorphiques, soigneusement établis, permettent désormais de tracer des correspondances rigoureuses avec les chaînes varisques d’Europe méridionale – notamment les Bétiques – et de repositionner le Rif marocain dans les reconstitutions paléogéographiques globales. En s’appuyant sur des modèles de reconstruction intégrale des plaques lithosphériques, l’étude propose une lecture unifiée du rôle du Maroc septentrional dans l’édification de la Pangée.

Ce travail, issu d’une collaboration soutenue entre l’Université Côte d’Azur, le CNRS, l’université Mohammed V de Rabat et d’autres institutions européennes, renouvelle profondément l’interprétation géodynamique du Rif. Il consacre le Maroc comme un témoin capital, souvent négligé, des grandes architectures tectoniques qui ont façonné le visage ancien de la Terre (Lardeaux et al., EGU25-6657, 2025).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *