L’extension du domaine maritime marocain met les voisins du Royaume sur le qui-vive

La décision du Maroc d’étendre ses frontières maritimes a fait sensation, puisqu’elle concerne les îles Canaries, et donc les intérêts de l’Espagne. Pour le gouvernement de Pédro Sanchez, «le Maroc a rompu un pacte diplomatique non écrit. »

«Le Maroc s’est une nouvelle fois engagé dans une bataille diplomatique avec l’Espagne» tonnent les médias espagnols, après que le Parlement marocain eut approuvé le 16 décembre deux lois qui délimitent son espace maritime avec l’Espagne et la Mauritanie. Le chef diplomatique, Nasser Bourita, dans des déclarations recueillies par l’agence de presse EFE, décrit les deux projets de loi comme «historiques et souverains», et explique qu’ils délimitent les 12 milles des eaux territoriales, les 200 milles de la zone économique exclusive et les 350 milles du plateau continental, pour le but «d’adapter ses lois marocaines à la Convention des Nations unies sur le droit à la mer».

Nasser Bourita a également reconnu dans ces déclarations que les nouvelles frontières maritimes pourraient déclencher «des problèmes de chevauchement» avec l’Espagne, allusion faite aux frontières avec les îles Canaries. Cependant, le responsable marocain s’appuie sur les bonnes relations entre les deux pays pour résoudre d’éventuels conflits par le dialogue et le consensus, car «le Maroc n’impose pas une politique de faits consommés.»

Les revendications marocaines concernent, dans les faits, l’édifice volcanique sous-marin Tropic, situé à 250 miles au sud-ouest des îles Canaries. Il fait partie d’un ensemble d’îles sous-marines qui composent la province volcanique des îles Canaries dans l’océan Atlantique, selon l’intitulé qui lui est attribué par les scientifiques. Déjà, en 2009, le gouvernement espagnol a présenté sa demande d’élargir son plateau continental pour s’approprier les ressources que Tropic recèle, réserves qui seront la clé d’une future révolution verte pour sa valeur dans la fabrication de panneaux solaires et de voitures électriques.

Pourquoi le Maroc élargit-il sa frontière maritime ? Cette décision actée par le royaume « n’est pas prise à la légère », affirme le site ABC. Les 350 milles sur lesquels le Maroc aspire à étendre ses frontières peuvent l’amener à revendiquer, comme c’est le cas de l’Espagne, la propriété des ressources naturelles de Tropic, considérée aujourd’hui comme l’île au trésor de l’océan Atlantique. Tropic est un mont sous-marin qui abrite les plus grandes réserves connues de plusieurs minéraux qui seront la clé de la révolution verte qui est attendue, essentielle pour fabriquer des voitures ou des panneaux électriques solaire.

Géologiquement, cette montagne sous-marine est l’une des plus anciennes de celles qui composent la «Province volcanique des îles Canaries dans l’océan Atlantique». Tropic est situé au sud-ouest des îles Canaries – à 499 kilomètres de l’île de El Hierro – et a une profondeur de 1 000 mètres. La découverte de cette montagne, et de sept autres qui sont également sous la mer, a permis de connaître l’origine des îles, devenant l’une des «grand-mères des îles Canaries».

Que contient Tropic ? Principalement, le tellure. Son importance réside dans son utilisation particulière dans le secteur de l’industrie électronique, car il s’agit d’un élément doté de capacités élevées pour la fabrication, par exemple, de panneaux solaires. Tropic est le plus grand gisement au monde de ce minerai avec potentiellement 2 670 tonnes – soit 10% de la réserve mondiale totale – et l’Union européenne le considère formellement comme une « matière première stratégique ».

Cependant, ce mont sous-marin abrite également suffisamment de cobalt pour construire plus de 270 millions de voitures électriques, ce qui représente actuellement 54 fois la flotte mondiale de ces types de véhicules.

Selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, chaque pays est souverain sur les douze premiers milles de la mer – à 22 kilomètres – de sa côte. C’est ce qu’on appelle la «mer territoriale» et, au-dessus, chaque État peut exercer sa souveraineté sur l’air, la mer, la terre et l’espace sous-marin. De là, et jusqu’à 200 milles, soit l’équivalent de 22 à 370 kilomètres de côte, chaque pays peut établir sa zone économique exclusive (ZEE). Dans ce document, chaque État peut explorer, extraire, conserver et gérer les ressources naturelles de la mer et du sous-sol, y compris les animaux, les minéraux et l’énergie.

Selon document, chaque État a la possibilité de demander l’extension de son plateau continental aux Nations Unies pour étendre ses droits sur le sous-sol à 350 milles marins – 648 kilomètres – selon une procédure réglementée et justifiée. Madrid a formellement dévoilé ses intentions à l’ONU dans le cas des îles Canaries, affirmant, avec des rapports scientifiques, que géologiquement le sous-sol au sud-ouest d’El Hierro n’est pas tributaire continent africain mais à l’extension naturelle de l’archipel, avec de multiples montagnes sous-marines formées par le même volcanisme à l’origine des îles Canaries.

Dans le cas où la mer, selon cette convention, pourrait appartenir à un ou plusieurs pays, une négociation entre eux est ouverte. En règle générale, une médiane est établie qui sépare les eaux de manière équitable, même si, en l’absence d’accord, elle peut se terminer devant un tribunal international.
Dans le cas du Maroc et de l’Espagne, il n’y a pas assez de distance pour qu’aucun des pays ne réserve les 200 milles de la ZEE. Cependant, les deux royaumes ont toujours respecté, sans qu’aucun accord formel ne soit établi, une entente tacite qui délimite les eaux de chaque pays.

Après la décision du Maroc, l’inquiétude et l’indignation ont saisi les politiciens canariens. Le sénateur Fernando Clavijo (CC) a demandé au ministère des Affaires étrangères des éclaircissements sur les mesures que le gouvernement central prendra à cet égard. De son côté, Pedro Quevedo (NC), a exigé du gouvernement une réaction urgente et « énergique ». De même, le président du gouvernement des îles Canaries, Ángel Víctor Torres, a profité de son séjour à Madrid hier pour discuter de cette question avec le chef de la diplomatie espagnol, déclarant qu’il y a un «engagement du gouvernement espagnol et des îles Canaries à faire entendre leur voix. »

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