Le gouvernement des Canaries a salué la décision de l’Union européenne de concentrer son action migratoire sur la route atlantique, axe devenu l’un des plus périlleux du continent. Cette inflexion, avalisée par le Conseil européen, marque selon les autorités insulaires une reconnaissance tardive de la gravité de la situation humanitaire et sécuritaire qui se joue entre les côtes africaines et les îles espagnoles.
Le vice-conseiller du cabinet de la présidence, Octavio Caraballo, a jugé que «l’accord adopté par les chefs d’État et de gouvernement constitue un pas décisif, venant confirmer la ligne défendue par le président Fernando Clavijo pour que Bruxelles concentre enfin ses efforts sur cette route meurtrière, en mobilisant davantage de ressources humaines et logistiques».
Réuni jeudi dernier, le Conseil européen a réévalué l’ensemble de ses engagements en matière de migration, à la lumière d’une lettre adressée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Dans ce texte, les Vingt-Sept demandent que «les travaux engagés en juin 2025 soient poursuivis dans tous les domaines concernés», exhortant les institutions communautaires à «avancer sans délai sur les textes législatifs en préparation».
La route atlantique, désormais au cœur du dispositif européen
Le plan approuvé par les Vingt-Sept identifie quatre voies migratoires prioritaires : la Méditerranée centrale, où l’Union entend accroître sa coopération avec la Tunisie, la Libye et l’Égypte ; la Route atlantique, qui relie les côtes marocaines, mauritaniennes, sénégalaises et gambiennes aux Canaries ; la voie orientale, centrée sur la Turquie, le Liban et la Jordanie ; et enfin, le couloir des Balkans occidentaux, où un déploiement accru de Frontex est attendu.
Pour mener à bien cette réorganisation, Ursula von der Leyen a sollicité une rallonge budgétaire de trois milliards d’euros (environ 33 milliards de dirhams) destinée au Plan européen d’asile et de migration. Ces fonds permettront d’équiper Frontex de technologies avancées, de renforcer ses capacités de surveillance et d’élargir son rôle dans les opérations de retour et d’assistance. «Canarias réclame depuis longtemps un tel soutien face à l’intensité des arrivées», a rappelé Octavio Caraballo.
La présidente de la Commission avait déjà annoncé son intention de tripler les effectifs de Frontex, les portant à trente mille agents. Le document adopté par le Conseil prévoit désormais le déploiement d’officiers de liaison à Dakar et à Rabat, afin d’améliorer la coordination opérationnelle entre les autorités africaines et européennes.
Coopération accrue avec les pays de départ
Le Conseil européen a par ailleurs entériné une série d’accords de coopération avec les pays d’origine et de transit d’Afrique de l’Ouest. Le texte mentionne explicitement la nécessité d’approfondir les partenariats opérationnels avec le Maroc, la Mauritanie, la Tunisie, l’Égypte, le Sénégal et la Gambie, notamment par le financement de programmes consacrés à l’équipement, à la formation et à la recherche.
Selon le document, «la Mauritanie et le Sénégal bénéficieront de plus de 240 millions d’euros (près de 2,6 milliards de dirhams) pour la surveillance côtière, la lutte contre le trafic et l’assistance aux migrants secourus en mer», tandis que le Maroc et la Gambie recevront des fonds spécifiques destinés au contrôle frontalier et aux opérations de réadmission.
Le plan prévoit enfin un appui financier aux infrastructures d’accueil dans les territoires sous pression, dont les Canaries, au titre de la solidarité européenne. Mais pour Octavio Caraballo, «il appartient désormais à l’État espagnol d’activer l’ensemble des moyens que le pacte européen met à sa disposition pour répondre aux besoins urgents de l’archipel, notamment en matière d’accueil des plus de 4 500 mineurs isolés».