Mohammed Loulichki : Washington a voulu «placer la barre très haut en diffusant un texte reflétant le large soutien international dont bénéficie le plan marocain» pour le Sahara

Le Conseil de sécurité des Nations unies a franchi une étape sans précédent dans le règlement du différend relatif au Sahara en adoptant la résolution 2797, érigeant l’autonomie sous souveraineté marocaine en unique fondement de négociation. Le diplomate chevronné Mohammed Loulichki souligne que ce texte constitue «un tournant historique dans le dossier», mettant fin aux ambiguïtés persistantes et écartant définitivement la perspective d’un référendum jugé désormais obsolète par l’ONU. Cette décision redéfinit le mandat onusien, instaure un cadre normatif incontestable pour les négociations et confère à l’approche marocaine une légitimité internationale inédite, tandis que le roi salue un «changement historique et un tournant décisif dans l’histoire du Maroc moderne», appelant parallèlement au dialogue et à l’unité régionale.

La résolution 2797, adoptée le 31 octobre 2025 par une large majorité du Conseil de sécurité, marque, selon Mohammed Loulichki, «un tournant historique dans le dossier du Sahara». Pour la première fois, l’autonomie sous souveraineté marocaine est consacrée comme unique base de négociation dans la recherche d’un règlement politique durable, mettant fin aux ambiguïtés et écartant définitivement la perspective d’un référendum que l’Organisation des Nations unies elle-même jugeait désormais inopérant, indique le Policy Brief n° 55/25, novembre du Policy Center for the New South (PCNS).

Une résolution qui redéfinit le mandat onusien

L’auteur rappelle que la résolution «réoriente formellement le mandat de l’ONU en exigeant que les négociations se déroulent exclusivement dans le cadre du plan d’autonomie marocain». Ce texte écarte expressément toute proposition concurrente et confère à l’approche marocaine la légitimité d’un cadre normatif incontestable. M. Loulichki observe que le Conseil de sécurité «mandate le secrétaire général et son envoyé personnel pour organiser des discussions centrées sur l’approche marocaine», ouvrant ainsi une phase nouvelle où seront éprouvées la bonne foi et la constance des acteurs concernés.

Le roi, dans son discours à la nation, a salué «un changement historique et un tournant décisif dans l’histoire du Maroc moderne», tout en exhortant les populations des camps de Tindouf à regagner leur patrie et en appelant le président algérien à rouvrir la voie du dialogue en vue d’une intégration maghrébine retrouvée. M. Loulichki relève que le souverain y exprime «sa reconnaissance à tous les pays ayant appuyé la proposition marocaine d’autonomie, en particulier les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’Espagne».

Selon le diplomate, cette résolution inaugure «un chantier stratégique d’une portée considérable», celui d’une actualisation du plan d’autonomie afin d’asseoir une solution durable, d’affermir l’unité nationale et de stabiliser durablement l’espace maghrébin par la coopération et la confiance retrouvée.

Une rupture méthodologique dans la tradition onusienne

M. Loulichki consacre de longs détails à la manière dont cette résolution fut rédigée. Selon lui, la tradition du Conseil de sécurité, lorsqu’il s’agit de questions anciennes, privilégie la continuité et la prudence. «Le processus décisionnel avance avec lenteur, non par inertie, mais par souci de préserver les équilibres fragiles patiemment établis au fil des décennies», écrit-il, ajoutant que ces textes acquièrent peu à peu «une forme de sacralité diplomatique» tant leur langage devient immuable.

Or, la résolution 2797 rompt avec cet héritage. «La délégation américaine, rédactrice du texte, a innové sur la structure, la formulation et le contenu», souligne M. Loulichki. Le préambule a été réduit de vingt-six à huit paragraphes, et le dispositif de dix-sept à six, «soit une réduction des deux tiers». Ce resserrement, ajoute-t-il, marque «une véritable révolution dans la pratique rédactionnelle du Conseil».

Les modifications ne furent pas seulement stylistiques : elles traduisent une volonté d’efficacité diplomatique. Les États-Unis, écrit M. Loulichki, ont voulu «placer la barre très haut en diffusant un texte reflétant le large soutien international dont bénéficie le plan marocain», quitte à négocier ensuite les ajustements nécessaires avec la Russie. Cette méthode, explique-t-il, permit de maintenir l’essentiel : la consécration de l’autonomie marocaine comme seule base légitime.

Une autonomie désormais consacrée sous souveraineté marocaine

Au niveau du préambule, la nouvelle résolution se contente de rappeler les textes antérieurs sans les détailler, abandonnant les références superflues aux tables rondes précédentes ou aux rapports techniques de la MINURSO (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental). Le principe du droit des peuples à l’autodétermination demeure cité, mais, précise M. Loulichki, «à aucun moment il n’est question de référendum, dépassé depuis 2001».

La résolution, poursuit-il, «prend note du soutien exprimé par de nombreux États membres à la proposition marocaine d’autonomie» et «affirme que l’autonomie réelle sous souveraineté marocaine constitue la solution la plus réaliste et la plus applicable». Elle «se félicite de la disposition des États-Unis à accueillir les négociations sous l’égide de l’Envoyé personnel», ajoutant une dimension opérationnelle nouvelle au processus.

Dans le dispositif, deux paragraphes sont jugés substantiels. Le deuxième «appuie pleinement les efforts du Secrétaire général et de son Envoyé personnel pour conduire les négociations sur la base du plan d’autonomie proposé par le Maroc». Le troisième, quant à lui, «demande aux parties de participer sans conditions préalables et sur la base de ce plan pour parvenir à une solution politique définitive et mutuellement acceptable».

Un changement d’échelle pour la diplomatie marocaine

Ce texte, note M. Loulichki, confère à la proposition marocaine un caractère désormais irréversible : «Toute proposition concurrente, telle que celle déposée par le Polisario en octobre 2025, se trouve automatiquement écartée du processus onusien». Le Conseil, poursuit-il, «considère qu’une autonomie véritable pourrait représenter la solution la plus réaliste» et invite les parties à faire connaître leurs idées dans cette perspective.

Le souverain a immédiatement réagi à cette orientation en annonçant que «le Maroc procédera à l’actualisation et à la formulation détaillée de la proposition d’autonomie en vue d’une soumission ultérieure aux Nations unies». Cette annonce engage désormais le pays dans une phase de formalisation juridique et institutionnelle destinée à renforcer la crédibilité de son offre.

Le Conseil a également prévu un mécanisme de suivi précis : le Secrétaire général devra «présenter, dans les six mois suivant la prorogation du mandat de la MINURSO, un examen stratégique sur l’évolution du processus». Cette supervision continue, estime M. Loulichki, permettra d’évaluer l’attitude des parties et de calibrer le futur mandat de la mission.

Des votes révélateurs et des fractures persistantes

La résolution 2797 a été adoptée par onze voix pour, trois abstentions (Chine, Russie, Pakistan) et une non-participation, celle de l’Algérie. Le représentant américain s’est félicité du «vote historique d’aujourd’hui», affirmant que ce texte «saisit un moment unique et s’appuie sur l’élan en faveur d’une paix attendue depuis trop longtemps au Sahara occidental». Il a salué «le caractère crédible et réaliste du plan marocain, seule base d’une solution juste et durable» et exprimé la conviction de son pays «qu’une paix régionale est possible cette année».

Le représentant de la France a réitéré la position constante de Paris : «Le présent et l’avenir du Sahara occidental relèvent de la souveraineté marocaine, et l’autonomie sous souveraineté marocaine est le cadre dans lequel cette question doit être résolue.» Le Royaume-Uni a abondé en ce sens, estimant que la proposition de Rabat demeure «la plus crédible, la plus viable et la plus pragmatique».

Face à eux, l’ambassadeur d’Algérie, qui a choisi de ne pas participer au vote, a déclaré que son pays «prend ses distances vis-à-vis d’un texte ne reflétant pas la doctrine des Nations unies en matière de décolonisation». Il a dénoncé «un cadre étriqué de négociation mettant en avant les ambitions territoriales d’une partie au différend» et exprimé des «interrogations juridiques sérieuses» sur la portée de la résolution.

Les réactions internationales et régionales

La Russie, tout en s’abstenant, a déploré (sans nullement contester la position marocaine) «une démarche de cow-boys» de la part des États-Unis, accusés d’avoir «utilisé le Conseil de sécurité pour privilégier une stratégie nationale». Son représentant a néanmoins admis qu’un ultime effort de négociation «a permis d’éviter un vote négatif». Quant à la Chine, qui s’était prononcée en faveur des résolutions précédentes, elle a justifié son abstention par «l’insuffisance du consensus autour du texte final».

M. Loulichki remarque que la sortie imminente de l’Algérie du Conseil de sécurité en janvier 2026, remplacée par le Bahreïn et la République démocratique du Congo, pourrait modifier l’équilibre diplomatique futur. Cette recomposition, écrit-il, «ouvrira la voie à une lecture plus pragmatique de la question, moins idéologique et encore tournée vers la stabilité régionale».

À Alger, la réaction officielle a d’abord été le silence, avant que le ministre des affaires étrangères, Ahmed Attaf, n’affirme que la résolution permettait «de sauvegarder le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et de neutraliser certaines manœuvres du Maroc». Il a reconnu toutefois que «l’Algérie était à deux doigts de voter pour la résolution», expliquant sa réserve par la présence, dans le préambule, d’une référence à la souveraineté marocaine.

Une consécration diplomatique à portée stratégique

Pour M. Loulichki, cette attitude illustre la contradiction d’une diplomatie prise de court. Il rappelle l’article 25 de la Charte de l’ONU selon lequel «les membres du Conseil de sécurité sont tenus d’appliquer les décisions du Conseil», même en cas d’abstention. La non-participation d’Alger ne saurait donc la dégager de cette obligation.

Le Polisario, de son côté, s’est contenté «de prendre note de certains éléments du texte, qui constituent un écart dangereux par rapport à la base sur laquelle le Conseil traite la question». L’organisation séparatiste a néanmoins indiqué être «prête à s’engager positivement dans le processus de paix», tout en réaffirmant son attachement à la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale sur la décolonisation.

M. Loulichki souligne qu’en réalité, quatre jours avant le vote, le Polisario avait «catégoriquement rejeté tout projet de résolution promu par les États-Unis visant à imposer le plan marocain d’autonomie». Dès lors, observe-t-il, son communiqué postérieur relève davantage de la posture que d’un réel changement de ligne.

Une étape décisive dans la doctrine onusienne

Pour le Maroc, la résolution 2797 ouvre une ère nouvelle. Elle met fin à un demi-siècle de tergiversations et érige l’autonomie marocaine en solution exclusive. «Le Maroc a réussi, par patience et persévérance, à convaincre les Nations unies et ses partenaires de la justesse de son approche de compromis», écrit M. Loulichki. Cette réussite, ajoute-t-il, n’est pas seulement diplomatique : elle traduit «la continuité d’un État multiséculaire, fidèle à ses constantes historiques et à ses valeurs spirituelles».

La démarche onusienne, désormais épurée de tout artifice rhétorique, s’aligne sur la réalité du terrain : l’exercice serein de la souveraineté marocaine sur ses provinces du Sud et la volonté affichée de clore définitivement ce différend régional.

Pour M. Loulichki, «ce chantier offre l’occasion de réaffirmer les vertus qui ont façonné l’identité plurielle marocaine, consolidé son unité nationale, honoré ses engagements et préservé son intégrité territoriale».

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