Omar Radi et Soulaiman Raissouni, «jugés en tant que journalistes» : un mensonge à l’épreuve du réel

Depuis quelques jours, c’est un véritable déchaînement de mensonges et d’inventions qui s’abat pour disculper Omar Radi et Soulaiman Raissouni. La parole, la dignité et l’intégrité de leurs victimes sont bafouées par une campagne d’outrages organisée par des individus et des supports médiatiques avec une régularité qui frôle l’admiration. Mais les faits sont là, et freinent cette ardeur calomnieuse qui se manifeste sous toutes les formes, à tout propos.

Des pétitions, des articles, des tweets abondent en traits hardis, en fortes émotions, avec cette manière de n’employer jamais le contraste que par des raisons purement personnelles, subjectives, viennent ces derniers jours à rescousse de deux individus jugés dans de graves affaires.

«Omar Radi et Soulaiman Raissouni sont jugés en tant que journalistes» : c’est un curieux spectacle que la peine que se donne l’entourage de ces deux détenus pour étendre au-delà du possible les limites de ce mensonge éhonté. Omar Radi est poursuivi pour «atteinte à la sûreté extérieure de l’État», «atteinte à la sûreté intérieure de l’État», ainsi que pour «viol», «attentat à la pudeur» et «évasion fiscale», dans des affaires jugées conjointement par la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca. Soulaiman Raissouni, lui, est poursuivi pour «attentat à la pudeur avec violence» et «séquestration». Des personnes faisant partie de l’environnement professionnel et personnel desdits individus, le verbe grossier et trivial, forts en gueule, s’entêtent à ne se point vouloir prêter à approfondir la nature de ces chefs d’accusation, jugés très graves.

Veut-on avoir un simple échantillon des aménités destinées à disculper ces détenus, qu’on lise les lignes suivantes inscrites dans un article du journal Le Monde, la semaine dernière : «Omar Radi et Soulaiman Raissouni, deux journalistes qui s’étaient illustrés par leur plume critique», «les procédures lancées contre les deux journalistes sont révélatrices du climat qui règne au Maroc en matière de liberté d’expression», et cette phrase, assez emblématique : «l’affaire [de viol contre Omar Radi] a fracturé la mouvance progressiste au Maroc, placée devant un dilemme aigu» vu «le respect dû à la parole d’une femme affirmant avoir été victime de viol.» Une victime peu audible, dont la parole a été sans cesse contestée.

Interrogée sur les témoignages de la victime de Omar Radi, évoqués ces dernières semaines dans la presse, une activiste des droits humains s’est indigné contre «un système entier de prédation, installé depuis des années, dans le monde militant».

Pourquoi donc, en France, les accusations de viol ou de violence sexuelle concernant des personnalités du monde de la culture ou de la politique qui se sont succédé, entraînant l’ouverture d’enquêtes judiciaires, ne sont jamais révoquées en doute par Le Monde ? Peu de voix ont reproché à cet esprit de scepticisme et de fronde d’avoir délibérément répudié la cause des victimes d’Omar Radi et Soulaiman Raissouni. Ces derniers sont en détention préventive depuis huit et dix mois dans l’attente de leur jugement, alors qu’en même temps, leur entourage s’évertue à restreindre outre mesure l’ampleur et la gravité des charges qui pèsent sur eux.

Quelle voix virulente déblaiera le sanctuaire obstrué de la vérité, et annoncera d’un ton ferme la ligne de démarcation qui doit exister entre «l’œuvre et l’homme» ? L’œuvre : en dehors d’un petit cercle d’initiés, quelle influence exercent les travaux, les idées et les doctrines de ces deux détenus ? Omar Radi n’a rien publié depuis de nombreuses années et Soulaiman Raissouni était très peu lu.

«Les poursuites (apparemment) truquées», avait écrit une sérieuse ONG connue pour ses méthodes rigoureuses. Tous, de Monjib en passant par Bouachrine, dénoncent «des coups montés», sans preuve. Au Maroc, la liberté d’informer, pilier de la démocratie, et le pluralisme des courants de pensée sont clairement marquants. Et ce ne sont pas des médias français peu indépendants des puissances d’argent qui puissent prétendre le contraire.

«L’accusé ne peut pas être au-dessus de la loi juste parce qu’il est journaliste», a estimé la victime de Soulaiman Raissouni sur sa page Facebook en dénonçant toute forme d’instrumentalisation. Qu’il soit entendu.

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