Quand les renseignements algériens sombrent dans la fantasmagorie la plus inepte

La propagande des renseignements algériens a commencé à se constituer en discipline indépendante. Pour cibler toute opposition, de faux récits transmis d’abord de première main par les cercles rapprochés du régime ont été conçus, puis de seconde main, par les articles des journalistes à sa botte.

Les renseignements algériens passent à la vitesse supérieure. Au début, les annonces d’arrestation de personnes soupçonnées d’appartenir à un groupe séparatiste qu’Alger considère comme une organisation «terroriste», le fait d’invoquer des affaires d’«atteinte à l’unité nationale, d’atteinte à l’ordre public et d’incitation à un attroupement» comme motifs, étaient légion. L’obsession d’en finir avec le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) pousse désormais les autorités algériennes à inventer des complots liant ce groupe à des parties étrangères. Là, une limite a été franchie et Amnesty avait déjà lancé l’alerte : «Les autorités algériennes se servent de plus en plus d’accusations liées au terrorisme formulées en termes vagues pour engager des poursuites contre des journalistes, des défenseurs des droits humains et des militants politiques, et s’attachent à criminaliser deux organisations politiques en les qualifiant de terroristes dans le cadre de la nouvelle répression qui vise la dissidence.»

Les services de sécurité algériens ont affirmé mercredi 13 octobre avoir déjoué des attaques armées qu’un groupe indépendante kabyle planifiait à l’aide de complices à l’étranger, ont rapporté les médias. Les complices ? désignés à mots couverts. Le complot ? Il remonte à 2014, conçu à partir d’une page Facebook. Des «équipements, des armes» et du matériel du MAK ont été découverts au domicile des personnes arrêtées (comme d’habitude) et les suspects tentaient de «semer la discorde et la peur et de réactiver les cellules dormantes de cette organisation terroriste, sur ordre de parties étrangères».

Les relais du régime se sont occupés de la mission d’en grossir les traits, comme à travers une lentille puissante, pour mettre certains détails au premier plan. Pour que la propagande naisse, il suffit d’un événement fortuit, fabriqué : une perception inexacte, ou mieux encore une perception inexactement interprétée. Le pouvoir algérien manipule les susceptibilités du sentiment national en paralysant l’avenir du pays par ses rancunes. Le langage de modération et les arguments de haute valeur ont été sacrifiés sur l’autel des accusations les plus absurdes, les calomnies les plus invraisemblables qui ont chance de produire le plus d’effet et de causer le plus de dommage sur la scène intérieure surtout.

Une chaîne algérienne a consacré toute une émission à l’événement. De faux récits, simples racontars, postures, ont rempli la durée de l’émission. Confondre (sciemment ?) le symbole du deuxième brasseur au niveau mondial et l’étoile de David ? Le scénario avait été minutieusement réglé à l’avance, et plusieurs éléments sans cohérence ont semé le trouble. Il en va de même des autres supposées épreuves dévoilées ; l’intervalle de temps qui sépare le complot et l’annonce des autorités (7 ans!) les dépositions recueillies qui varient selon les cas, mais elles demeurent toujours du même ordre de ridicule. Par ailleurs le nombre de personnes auxquelles s’étend l’enquête se limite le plus souvent à un cercle assez restreint. Il n’était sorte de grossièretés et d’inepties qu’on ne débitât sur cette opérations ; au point que des gens sérieux, eux-mêmes, proche du pouvoir algérien, s’inquiétaient.

Dans un communiqué reproduit par les médias, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a annoncé que la police avait démantelé cette semaine un réseau lié au Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), classé «terroriste» par l’Algérie, et arrêté 17 personnes dans les préfectures de Tizi Ouzou, Bejaïa et Bouira, en Kabylie (Nord-Est). Les personnes interpellées projetaient de mener des «actions armées visant à porter atteinte à la sécurité du pays avec la complicité de parties internes prônant le séparatisme», a ajouté la DGSN. Selon le communiqué, les suspects ont avoué avoir été «en contact permanent via internet avec des parties étrangères opérant sous le couvert d’associations et d’organisations de la société civile et basées dans l’entité sioniste (Israël) et dans un pays d’Afrique du Nord», selon la même source. Les mêmes éléments de langage réitérés à satiété.

Le plus dangereux, toutefois, c’est la tendance du régime à ce que se propagent, s’amplifient, des histoires fantaisistes qui ne vivent qu’à une condition : trouver dans la scène intérieure en colère contre ses politiques un écho favorable.

Le pays d’Afrique du Nord pointé du doigt n’a pas été nommé, et Alger qui s’oppose à toute velléité indépendantiste de la Kabylie, région berbérophone du nord-est du pays, réclame de la France Ferhat Mhenni. Paris ne l’entend pas de cette oreille.

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