Les superficies consacrées à la culture du melon connaissent, dans les trois principaux bassins de production — Maroc, Espagne, France — un recul simultané, qualifié d’«inédit» par Jérôme Jausseran, vice-président de l’Association interprofessionnelle du melon (AIM), lors de la présentation annuelle des prévisions au salon medFEL.
Au Maroc, une contraction attribuée à l’instabilité réglementaire
Le repli des surfaces atteint 250 hectares, ramenant le total national à 1 040 hectares. La région de Kénitra conserve ses 120 hectares (Charentais jaune), tandis que celle de Marrakech accuse une perte de 160 hectares, pour un total de 760 hectares (à 90 % Charentais vert, répartis à parts égales entre plein champ et serres). À Agadir, les surfaces reculent de 30 hectares (140 hectares, Charentais vert). Dakhla enregistre, de son côté, une baisse de 60 hectares, portant son total à 210 hectares (Charentais vert).
Pour Rémi Javernaud, coordinateur de l’AIM, cette diminution — sans précédent — découle directement de l’incertitude réglementaire. M. Jausseran évoque, pour sa part, «des difficultés économiques aiguës, engendrées par une forte contrainte sur l’irrigation, avec une fenêtre d’autorisation réduite à un mois (décembre et janvier).» Ce climat de défiance pousse de nombreux producteurs à réduire leurs emblavures. Toutefois, le manteau neigeux persistant sur l’Atlas laisse entrevoir des réserves d’eau, et des ouvrages hydrauliques supplémentaires — notamment des barrages — devraient, selon l’AIM, garantir la pérennité de la culture à plus long terme.
En Espagne, quatrième année consécutive de reflux
Depuis 2021, les surfaces espagnoles dédiées au melon ont été divisées par deux. Le recul se poursuit cette année avec une perte de 400 hectares, pour un total ramené à 2 350 hectares. Les zones les plus touchées sont Murcia et Alicante, où la perte atteint 300 hectares (1 700 hectares restants, à 80 % Charentais jaune). À Almería, la régression est de 30 hectares (270 hectares, Charentais vert), tandis que Séville perd 50 hectares (250 hectares). Les autres régions enregistrent une réduction de 20 hectares (130 hectares au total).
Les pluies diluviennes du mois de mars ont perturbé le calendrier des plantations. Le nouaison des fruits n’est pas encore achevée, ce qui nourrit une incertitude persistante. La récolte devrait cependant débuter entre le 20 et le 25 mai.
En France, les séquelles économiques de 2024 pèsent sur les surfaces de 2025
Après une campagne 2024 décrite comme «extrêmement éprouvante pour les structures» par l’AIM, les surfaces françaises accusent une diminution de 410 hectares, pour un total établi à 10 240 hectares. Le centre-ouest perd 180 hectares (2 470 hectares), le sud-ouest 230 hectares (2 070 hectares), tandis que le sud-est maintient ses surfaces à 5 700 hectares. Aucune évolution notable n’est relevée dans les autres régions ni pour la production biologique.
Des précipitations observées dans le sud-est fin mars ont perturbé les semis. Bien que prématuré, le risque de répercussions au mois de juin demeure. En revanche, les conditions ont été plus clémentes dans le sud-ouest et le centre-ouest.
M. Jausseran estime que «le seuil d’alerte est atteint» et appelle à une reprise indispensable de la culture, précisant que «le melon ne souffre pas de désaffection chez les consommateurs.» Pour Myriam Martineau, présidente de l’AIM, «il faut restaurer la confiance des meloniculteurs français. Cette défiance persistante entame leur moral, ce qui se traduit mécaniquement par une baisse des superficies.»
Progression parallèle de la pastèque
Aucune orientation claire ne laisse entrevoir une reconversion vers d’autres variétés de melon. En revanche, la culture de la pastèque progresse, notamment en France, où les surfaces oscillent entre 600 et 800 hectares. Le marché se maintient à un niveau jugé satisfaisant, et les volumes de provenance française sont désormais mieux identifiés. M. Jausseran relève que «les lignes d’origine France ont été retrouvées» et insiste sur la valeur de la pastèque française comme produit de qualité supérieure. «Nous travaillons également sur une variété spécifique : la mini-pastèque, qui s’impose peu à peu, notamment auprès des jeunes», précise-t-il. Cette progression ne semble toutefois pas se faire au détriment du melon. Selon l’AIM, «aucune concurrence entre les deux cultures n’a pu être démontrée.»