Sophia Bessis, spécialiste des questions africaines et du Maghreb : « le paysage politique est très émietté en Tunisie »

A deux jours de l’élection présidentielle tunisienne, la chercheuse franco-tunisienne, Sophia Bessis, revient, pour l’Afp, sur les enjeux d’un scrutin qu’elle considère comme étant « très incertain avec un paysage politique très émietté ».

Pour la chercheuse franco-tunisienne spécialiste des questions africaines et du Maghreb, Sophia Bessis, l’élection présidentielle tunisienne se déroule dans un « paysage politique très émietté, très fragmenté. Jamais l’incertitude n’a été aussi totale sur l’issue du premier tour de dimanche soir ».

La chercheuse a noté que le candidat emprisonné Nabil Karoui a joué sur « l’aspect compassionnel de sa communication, il est allé distribuer aux pauvres du pays , dans les zones rurales reculées, de la nourriture et des objets usuels ». Elle s’est interrogée s’il sera capable de gouverner la Tunisie s’il arrive gagnant à l’issue du premier tour ? « On peut en douter très sérieusement dans la mesure où il est tout de même accusé, sans être condamné pour l’instant, de délinquance financière grave dans beaucoup de domaines », a-t-elle ajouté.

Pour Mme Bessis, la surprise de ce premier tour pourrait aussi être le parti Ennahda « malgré l’érosion de son électorat », explique la chercheuse : « Ce parti garde un socle solide et il n’est pas impossible que son candidat officiel, Abdelfattah Mourou, arrive au second tour du scrutin ». « Ce parti accorde certes une importance à l’élection présidentielle, mais beaucoup plus aux élections législatives. Ennahda vise le perchoir de l’Assemblée nationale tandis que la Constitution tunisienne octroie au chef de l’État des prérogatives relativement limitées. »

S’agissant de la situation politique et sociale actuelle en Tunisie, l’historienne et chercheuse franco-tunisienne estime que « depuis 2011, des forces politiques ont réussi à mettre en place un pacte politique qui a abouti à la promulgation de la Constitution de 2014 ». Avant de nuancer : « les forces politiques n’ont soit pas voulu soit pas pu mettre en place un pacte social avec les couches populaires qui avaient été à l’origine du soulèvement de novembre 2010. Donc les réponses sociales n’ont pas été à la hauteur des attentes de la population, et la Tunisie aujourd’hui est en panne de politique économique ».

D’après cette chercheuse, aucun candidat de l’élection présidentielle tunisienne n’a présenté de réel programme économique et social qui puisse sortir la Tunisie de l’ornière. Ce sont en général des recettes éculées, et les citoyens le savent très bien.

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