Téhéran étend méthodiquement son influence politique, économique et religieuse en Tunisie pour garantir un ancrage en Afrique du Nord alerte un rapport israélien

L’Iran poursuit une entreprise de pénétration lente et calculée du Maghreb, à travers la Tunisie cette fois. «La direction à Téhéran considère la Tunisie comme un objectif stratégique au sein d’un ensemble géopolitique essentiel, situé au carrefour de la Méditerranée, de l’Europe et de l’Afrique,» relève le rapport du Jerusalem Institute for Strategy and Security (JISS), rédigé par Dany Citrinowicz et publié le 22 octobre par Israel Defense. Le document précise que «la multiplication des visites officielles, notamment celle du ministre iranien des affaires étrangères Abbas Araghchi à Tunis en septembre, s’inscrit dans une dynamique d’approfondissement des liens bilatéraux amorcée dès la visite historique du président Kaïs Saïed à Téhéran en mai 2024.» Selon les auteurs, ces rapprochements successifs traduisent une volonté d’élargir la marge d’influence iranienne dans un espace longtemps perçu comme périphérique mais devenu vital depuis l’isolement croissant de la République islamique sur la scène internationale.

Le texte souligne que «la Tunisie et l’ensemble de l’Afrique du Nord revêtent pour l’Iran une importance stratégique considérable, non seulement sur le plan diplomatique, mais aussi sécuritaire et économique.» Téhéran chercherait à «éviter toute marginalisation géopolitique et à compenser la pression occidentale en tissant un réseau d’alliances dans des régions moins exposées à l’influence américaine.» L’analyse ajoute que «cette orientation devrait s’intensifier dans les années à venir, en particulier à travers des partenariats multiformes avec Tunis et Alger, considérées comme des plates-formes propices à l’expansion des intérêts iraniens.»

Stratégie sécuritaire et projection d’influence régionale

Le rapport met en lumière «le rôle croissant de la Tunisie dans le dispositif sécuritaire iranien en Afrique du Nord, en raison de sa proximité géographique avec l’Europe et de sa position d’observation sur la Méditerranée.» Il précise que «Téhéran pourrait tirer profit de la situation tunisienne pour accroître sa présence militaire indirecte, notamment par l’envoi de conseillers, de coopérations logistiques ou d’appuis techniques à des acteurs alliés.» L’auteur évoque même «la possibilité que la Tunisie serve de relais à des opérations iraniennes visant à étendre la portée du dispositif naval de la République islamique dans la région du détroit de Gibraltar, afin d’exercer une pression symbolique sur Israël et ses partenaires occidentaux.»

Selon le JISS, «la détérioration des relations entre Tunis et Rabat pourrait favoriser un rapprochement discret entre la Tunisie et Téhéran, en dépit des réticences internes tunisiennes à s’impliquer dans un axe perçu comme hostile au Maroc et à Israël.» Le rapport rappelle que «l’Iran a déjà apporté un soutien logistique aux combattants du Front Polisario, ce qui lui confère une marge d’influence supplémentaire sur les équilibres régionaux.» À ce titre, «la Tunisie constitue un maillon d’observation et d’expérimentation qui permet à l’Iran d’affiner sa stratégie d’encerclement politique d’Israël à partir du flanc occidental du monde arabe.»

L’étude israélienne avertit que «la présence iranienne à Tunis pourrait s’intensifier sous des formes culturelles et religieuses, notamment à travers la création de centres de diffusion chiite tels qu’‘Ahl al-Bayt’, destinés à rallier des sympathisants locaux et à favoriser une acculturation idéologique progressive.» Selon les auteurs, «ces structures servent à la fois de relais culturels, de points de contact communautaires et de leviers d’influence discrets, dans un contexte où les populations tunisiennes restent majoritairement sunnites mais sensibles à la rhétorique de résistance portée par Téhéran.»

Diplomatie parallèle et contournement des sanctions

Au plan économique, le document observe que «l’Iran cherche à contourner les sanctions occidentales en développant avec Tunis une coopération financière et commerciale capable de lui offrir un débouché méditerranéen relativement sûr.» L’étude rappelle qu’en «2022, les importations tunisiennes en provenance d’Iran atteignaient 1,4 million de dollars, contre 4,8 millions l’année précédente, tandis que les exportations vers Téhéran chutaient à 80 000 dollars en 2014 après un pic de plus de 12 millions en 2015.» Ces échanges modestes, poursuit le texte, «sont aujourd’hui appelés à croître sous l’impulsion d’une commission économique conjointe instaurée en 2023, censée relancer la coopération bilatérale et offrir à l’Iran un instrument de contournement des sanctions américaines.»

Le rapport indique en outre que «la République islamique s’efforce d’élargir son assise africaine par des partenariats politiques, notamment avec l’Algérie et l’Afrique du Sud, afin de renforcer sa légitimité diplomatique au sein de l’Union africaine.» Dans cette logique, «Téhéran entend utiliser la Tunisie comme relais institutionnel pour pénétrer plus profondément les structures africaines et affaiblir l’influence israélienne sur le continent.»

Sur le plan religieux, l’étude relève que «bien que la communauté chiite en Tunisie demeure marginale, elle constitue pour l’Iran une plate-forme utile à la diffusion de ses valeurs et à la pérennisation d’un réseau de fidélités spirituelles et politiques.» Les auteurs notent que «Téhéran a déjà multiplié les démarches culturelles et éducatives, notamment par la création d’instituts et d’associations chargés de diffuser la pensée chiite et de préparer un terrain favorable à une influence durable.»

Un jeu d’équilibres précaires entre Tunis, Rabat et Téhéran

Selon le centre JISS, «le président Kaïs Saïed, dont la méfiance envers le mouvement Ennahdha et la proximité de certains cercles tunisiens avec des milieux chiites sont notoires, maintient une position ambivalente face à l’Iran.» D’un côté, «il voit dans Téhéran un partenaire politique potentiel pour réduire la dépendance tunisienne à l’égard de l’Occident» ; de l’autre, «il redoute que l’alignement sur la République islamique n’alimente les tensions avec le Maroc et ne fragilise davantage la relation avec les puissances arabes modérées.»

Le rapport évoque aussi «l’inquiétude croissante d’Israël et de ses alliés face à la progression silencieuse du réseau iranien en Afrique du Nord.» Les auteurs appellent «les États-Unis, l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, mais aussi des partenaires européens comme l’Italie, à soutenir la stabilité des pays maghrébins afin d’empêcher Téhéran d’y installer des bases politiques ou religieuses durables.» L’analyse conclut que «l’Iran n’agit pas seulement pour rompre son isolement, mais pour remodeler en profondeur les rapports de force méditerranéens en exploitant les fragilités internes de quelques régimes nord-africains.»

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *