«L’Iran tente de porter atteinte aux intérêts du Maroc», selon The National Interest

Emanuele Ottolenghi, politologue et chercheur principal à la Fondation pour la défense des démocraties à Washington, souligne dans un article publié par The National Interest, un think thank américain basé à Washington, que «l’Iran a toujours soutenu tout militantisme contre les régimes pro-occidentaux, quelle que soit leur orientation religieuse ou politique».

Dans son article, le chercheur rappelle que les services de renseignement marocains ont arrêté, le 6 janvier dernier, un ressortissant libanais de 57 ans dès son arrivée au Royaume. «On sait peu de choses sur lui, sauf qu’il est un membre du Hezbollah qui a été surpris en possession de plusieurs passeports et cartes d’identité européens, dont certains ont été déclarés volés», a-t-il mentionné.

Des responsables qui se sont entretenus avec l’auteur sous couvert d’anonymat ont indiqué «qu’il était entré au Maroc sous le nom d’Ibrahim Youssef. Un nom qui ne figure pas dans le registre de la population libanaise [avec la même date de naissance]. Selon les informations communiquées, à chaque fois qu’il voyage, il change de nom».

A ce titre, Emanuele Ottolenghi relève que «le Hezbollah et l’Iran ont acquis une grande expérience concernant la falsification de documents ces dernières années. En 2014, un agent de l’Organisation de la sécurité extérieure du Hezbollah, Mohammad Amadar, a été arrêté au Pérou parce qu’il était soupçonné de manigancer une attaque terroriste à Lima. Il était entré dans le pays avec un faux passeport de la Sierra Leone».

Il rappelle qu’en 2019, les autorités argentines ont arrêté deux Iraniens qui étaient entrés dans le pays avec de faux passeports israéliens. Ils ont prétendu être des opposants du régime. L’auteur de l’article explique ainsi que les fournisseurs des passeports falsifiés (et volés), qui, selon les sources du renseignement argentin, étaient basés en Espagne, étaient liés à l’Iran. Quelques mois plus tard, deux autres Iraniens munis de faux passeports ont été arrêtés en Équateur, poursuit l’auteur qui s’interroge sur la raison de l’arrivée de cet agent du Hezbollah avec de faux documents au Maroc.

«Est-il, lui aussi, lié au réseau de falsification des documents qui aide l’Iran et le Hezbollah à diriger des réseaux d’exfiltration du Moyen-Orient jusqu’en Amérique latine et vice-versa ? Serait-il un client qui livrait peut-être des faux documents à d’autres personnes ? Entrait-il au Maroc, comme Amadar au Pérou, pour préparer une attaque ?», telles sont les questions que Emanuele Ottolenghi s’est posées.

«Pour répondre à cette question, ne cherchez pas plus loin qu’une décennie de tensions frémissantes entre le royaume nord-africain et l’Iran, qui contrôle le Hezbollah en tant que mandataire. Deux fois en une décennie, le Maroc a rompu ses relations avec l’Iran – la première fois, en 2009, officiellement à la suite d’une déclaration d’un fonctionnaire religieux iranien selon laquelle Bahreïn, le petit royaume du Golfe, appartenait vraiment à l’Iran. En 2018, à peine un an après la réouverture de l’ambassade de Téhéran, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a publiquement accusé l’Iran d’avoir envoyé des hauts responsables du Hezbollah au polisario et d’avoir fourni le front séparatiste d’armes», explique le politologue.

Par ailleurs, le Maroc a accusé l’Iran d’avoir répandu du chiisme au Maroc, pays à prédominance sunnite. Le chercheur souligne aussi que l’homme d’affaires libanais Kassim Tajideen, considéré comme un soutien financier du Hezbollah, a été expulsé par le Maroc en 2017 à la suite de la demande des Etats-Unis, au grand dam de l’Iran. De plus, le Hezbollah a condamné l’annonce de la décision du Maroc de reprendre ses relations diplomatiques avec Israël, après près de vingt ans d’interruption.

C’est ainsi que le chercheur principal à la Fondation pour la défense des démocraties à Washington relève que l’arrivée de cet agent du Hezbollah en janvier, moins d’un mois après la reprise des mécanismes de coopération Maroc-Israël, «n’est peut-être pas une coïncidence, d’autant plus que, à peine deux mois plus tôt, les dirigeants du polisario ont mis fin à une trêve de trois décennies avec le Maroc, (…) ce qui pourrait rallumer un conflit qui pourrait enflammer une région déjà instable».

Alors que Téhéran a toujours rejeté avoir militairement soutenu le polisario, par l’intermédiaire du Hezbollah, «le Maroc demeure ferme dans sa position et ce, pour de bonnes raisons», affirme Emanuele Ottolenghi.

En outre, le chercheur indique que la position officielle de l’Iran sur le différend territorial du Sahara correspond à celle de l’Algérie qui soutient, à son tour, Téhéran et qui a permis à des avions iraniens de faire le plein à Alger en route vers le Venezuela. De plus, les relations liant le Hezbollah au polisario sont très connues et médiatisées, ajoute le politologue qui rappelle que le séparatiste Nana Rabbat al-Rasheed a conduit une délégation à Beyrouth en 2017 où il a rencontré le député du Hezbollah Ali Fayad.

Il y a d’autres raisons de s’inquiéter, dit Emmanuel Ottolenghi. Le Sahara ainsi que les côtes marocaines sont de plus en plus devenus un point de transit pour les expéditions de cocaïne d’Amérique latine vers l’Europe, une activité assidûment facilitée par ceux qui financent le Hezbollah. «Un éventuel lien Hezbollah-Polisario est préoccupant non seulement parce qu’il reflète une stratégie iranienne commune pour gagner en influence en renforçant les procurations contre ses adversaires, mais parce qu’il pourrait être un incubateur d’activités illicites mutuellement avantageuses qui ajouteraient à l’instabilité régionale», explique-t-il.

L’administration Biden devrait être très attentive à ces développements. Le Maroc est un allié fort des États-Unis et a toujours été une voix respectée au sein de la Ligue arabe en ce qui concerne le conflit israélo-arabe. La récente décision du Maroc de reprendre ses liens avec Israël est prometteuse et Washington devrait la promouvoir et ce, dans le cadre d’un effort plus large de consolidation et d’élargissement des accords d’Abraham, précise le chercheur. «Washington a beaucoup à perdre d’une résurgence du conflit au Sahara, et ne devrait pas laisser l’Iran envoyer ses mandataires, tout comme il l’a fait en Syrie il y a dix ans, pour aggraver les choses», a-t-il conclu.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *