Dans une tribune publiée par Le Journal du Dimanche, l’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, revient sur ce qu’il qualifie de «double défaite algérienne», née à la fois du vote de l’Assemblée nationale française sur l’accord de 1968 et d’un revers diplomatique à l’Organisation des Nations unies.
L’ancien diplomate rappelle que «l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968» avait été conçu comme une contrepartie à l’abandon de la libre circulation prévue par les accords d’Évian, conférant en retour «des avantages exorbitants aux ressortissants algériens». Il note que les députés Charles Rodwell et Mathieu Lefèvre, auteurs d’un rapport parlementaire, «ont décrit dans le détail ces multiples avantages tout au long du long processus migratoire».
Selon lui, «c’est la combinaison de trois choses qui a scellé ces privilèges : l’accord de 1968, la convention franco-algérienne de sécurité sociale de 1980 et la jurisprudence du Conseil d’État». M. Driencourt observe que l’accord de 1968 concentre aujourd’hui les critiques «de la quasi-totalité de la classe politique». Du Rassemblement national au bloc central, «les hommes et femmes politiques étaient d’accord pour mettre fin à ces privilèges».
Il juge que «la force du RN a été de réussir à fédérer ses critiques dans sa résolution demandant l’abrogation de l’accord de 1968», qualifiant le vote d’«avertissement pour le gouvernement». Selon lui, «c’est la première fois que ce parti réussit à faire voter un texte et à obtenir une majorité». Le diplomate estime que la droite unie autour de ce thème «a fait de l’Algérie et de l’immigration un sujet explosif».
M. Driencourt relève toutefois que «même si la résolution n’a pas de valeur contraignante, elle empêche que l’idée s’en aille» et que ni le président de la République, ni le Premier ministre, ni le ministre des affaires étrangères ne peuvent «écarter d’un revers de main cette résolution».
Victoire marocaine décisive pour l’avenir
Abordant les conséquences possibles pour Alger, M. Driencourt considère que «les relations avec l’Algérie, déjà au plus bas depuis l’été 2024, ne changeront pas grand-chose». Selon lui, ce vote «ajoute une crise à la crise» et «met un peu plus de sel sur la plaie». Il estime que le gouvernement algérien ne manquera pas «d’expliquer qu’il n’y est pour rien et que tout cela est la faute des députés et des nostalgiques de l’Algérie française».
L’ancien ambassadeur rappelle qu’en décembre 2022, le chef de l’État algérien avait déclaré au Figaro que «cet accord était essentiel car il se situait dans la lignée des accords d’Évian» et que, pour Alger, «il avait une valeur symbolique de 132 ans», équivalente à «la durée de la colonisation française». M. Driencourt souligne que, deux mois plus tard, «le président Tebboune expliquait dans L’Opinion que cet accord n’avait plus aucun intérêt et que Paris l’avait dénaturé», allant jusqu’à indiquer que «la France pouvait le dénoncer».
L’ancien diplomate note enfin que, le 31 octobre, «le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de soutenir le plan marocain sur le Sahara occidental», et que «l’Algérie, pourtant membre du Conseil et représentée à New York par son ancien ambassadeur à Paris, Amar Bendjama, n’a pas réussi à empêcher l’adoption de la résolution».
Il précise que «cette résolution, adoptée par onze voix pour et trois abstentions, valide le plan d’autonomie marocain comme référence centrale». Pour M. Driencourt, «Moscou et Pékin ont laissé tomber leur allié algérien» et la donne nouvelle issue «des accords d’Abraham et du rapprochement entre le Maroc, la France, l’Espagne et les États-Unis» a consacré «une victoire incontestable du royaume».
Le diplomate conclut que «ce 1ᵉʳ novembre 2025, jour de fête nationale algérienne, prend des allures de fin d’époque», marquant pour Alger «une double défaite diplomatique : à Paris et à New York».