Le dernier bilan du ministère de la Santé fait état de 574 cas d’infection au covid-19, dont 33 morts et 15 guérisons. Les chiffres communiqués correspondent au nombre de cas réels diagnostiqués au Maroc chaque jour. Cependant, la stratégie adoptée par le Maroc ne permet pas de diagnostiquer les malades atteints de covid-19 qui sont asymptomatiques.
Le Maroc, à l’exemple de beaucoup de pays, n’a pas opté pour un dépistage systématique massif. Pour le moment du moins. Toutefois, le Royaume est actuellement en train de renforcer son arsenal de dépistage du coronavirus. Le ministère de la Santé veut développer les tests rapides dans la perspective de les généraliser dans les prochains jours.
Le gouvernement a, en outre, signé, le 26 mars dernier, un contrat avec la Corée du Sud via le fabricant de matériel médical Osang Health Care, filiale du groupe sud-coréen Osang, pour l’achat de 100.000 kits de dépistage rapide du covid-19. Suite à l’accord, Osang Health Care s’est engagée à fournir gratuitement 10.000 kits supplémentaires au Royaume.
Il faut maintenant intensifier les tests de dépistage de coronavirus. Il est aussi important d’isoler les cas confirmés et découvrir, par la suite, avec qui ils ont été en contact étroit. Et ce, afin de ralentir la progression de la pandémie de covid-19 et éviter d’avoir « une escalade rapide » des cas, affirme Jaâfar Haïkal, épidémiologiste et expert en management sanitaire, dans une déclaration à Barlamane.com/fr.
« 48 hôpitaux préfectoraux vont désormais pratiquer les examens biologiques. Au début, l’Institut d’hygiène de Rabat, l’Institut Pasteur du Maroc à Casablanca et le laboratoire de l’Hôpital d’instruction militaire Mohammed V de Rabat ont été les seuls organismes habilités et autorisés à pratiquer les examens biologiques pour la confirmation et le suivi du covid-19. Peut-être, à un moment ou un autre, il faudra accréditer certaines structures privées pour effectuer des tests de dépistage », poursuit M. Haïkal. Pourtant, le corps médical et la population attendent toujours l’annonce de ces centres de dépistage. Jusqu’à aujourd’hui, les hôpitaux périphériques (provinciaux et régionaux) font office de centre de diagnostic uniquement.
Progression exponentielle du covid-19 au Maroc : ce que disent les chiffres
Chaque jour, scientifiques et épidémiologistes scrutent l’évolution exponentielle de la pandémie. Et le Maroc n’en fait pas l’exception. La pandémie de covid-19 se développe officiellement depuis le 2 mars lorsqu’un homme de nationalité marocaine revenant d’Italie a été testé positif au coronavirus. Le 5 mars, un deuxième cas de coronavirus a été enregistré au Maroc. Le 10 mars, un nouveau cas a été annoncé. Le 11 mars, 2 nouveaux se sont ajoutés à la liste. Le 13 mars, 2 autres nouveaux cas ont été enregistrés. Toutefois, depuis le 14 mars, le nombre des cas confirmés a commencé à doubler puis à tripler. Ceci a marqué le début de l’étape ascendante de l’épidémie qui se caractérise, d’ailleurs, par une progression exponentielle.
574 cas d’infection, dont 33 décès et 15 guérisons, ont été officiellement déclarés depuis l’apparition de la pandémie, selon un décompte des autorités sanitaires, le 31 mars à 08h00. Concernant l’état clinique à l’hospitalisation, 14% des cas confirmés ne présentent aucun symptôme, 71% des cas sont légers, 9% sont des cas aigus et 6% des cas critiques.
Avec 33 décès, le taux de létalité du covid-19 serait de 5,74%. Un taux « provisoire », parce qu’il est aujourd’hui difficile de le calculer sans connaître précisément le taux réel de population infectée. En effet, une large part des cas sont asymptomatiques et ne sont pas détectés, contribuant ainsi à la diffusion de la pandémie. Selon le ministère de la Santé, 82% des personnes décédées présentaient des facteurs de co-morbidité comme l’asthme, le diabète, l’hypertension et l’âge. et 85% des personnes décédées étaient dans un cas très critiques lors de leur prise en charge. La moyenne d’âge des décès est 66 ans.


Jusqu’à présent, le Maroc a effectué 2.801 tests de dépistage, avec une moyenne de 99 tests par jour. Revenons au taux de mortalité de 5,74%. Il est haut. Cependant c’est un taux qui prend en considération le dénominateur de testés. Il est faible. Quelque 100 testés par jour depuis le début de la propagation de la pandémie jusqu’au 29 mars, où le nombre de testés a augmenté pour atteindre environ 300 personnes. Il est clair que si le Maroc avait opté pour un dépistage massif, la courbe de l’évolution de la maladie serait différente.




Pic de l’épidémie de coronavirus au Maroc : à quelle date ?
Pour le moment, tout le monde a les yeux braqués sur la date d’un éventuel pic épidémique au Maroc. Selon l’épidémiologiste, tout dépend des scénarios. Il explique que le pic épidémique correspond au sommet de la courbe illustrant le nombre de cas apparaissant chaque jour. Il signe le moment où le nombre de nouveaux cas quotidiens commence à décroître. « Pour le moment, l’épidémie du coronavirus est toujours en phase ascendante au Maroc. Il est donc essentiel de réussir à infléchir la courbe grâce au déploiement de mesures tous azimuts », précise-t-il. Il rappelle également que le respect des mesures de restrictions et de confinement est la seule mesure applicable pour pister et endiguer l’épidémie.
Quid du dispositif sanitaire ?
Le Maroc dispose actuellement de 1.640 lits de réanimation, dont 684 dans le secteur public et 504 dans le privé, en plus de 70 lits dans les structures médicales militaires et 132 dans les établissements d’intérêt général. Grâce à un montant de 2 MMDH pour le renforcement du dispositif médical, le Royaume a acheté 1.000 lits de réanimation, 550 respirateurs, 100.000 kits de prélèvements, 100.000 kits testeurs ainsi que des équipements de radiologie et imagerie.
Par ailleurs, une aide chinoise, consistant en du matériel et des équipements médicaux, est parvenue au Maroc les 23 et 24 mars. Il s’agit de 15.000 paires de gants médicaux, 20.000 masques N95, 2.000 combinaisons de protection, 5.000 tests de dépistage rapides ainsi que d’autres fournitures médicales indispensables dans la lutte contre le nouveau coronavirus. Les tests rapides n’ont pas été distribués aux centres de dépistage. Pourquoi ? N’avons-nous pas les plateformes nécessaires ? Ou se sont-ils avérés défaillants ? Le ministère de tutelle reste silencieux.
Qu’en est-il des autres pays ?
L’Allemagne connaît l’un des taux de mortalité des personnes souffrant du covid-19 les plus faibles du monde avec 0,5%. Avec une politique de dépistage massif, et 25.000 lits de réanimation équipés, la prise en charge des patients est faite à temps. Les cas confirmés dans ce pays ont augmenté de 4.751 en un jour pour atteindre 57.298.
Le pays a choisi la stratégie sud-coréenne pour empêcher une saturation de ses hôpitaux, où le personnel manque. Souvent montrée en exemple en Europe pour la gestion de l’épidémie, l’Allemagne pratique déjà, selon les autorités, entre 300.000 et 500.000 dépistages par semaine, un rythme plus élevé que nombre de ses voisins européens, la France en particulier qui les réserve aux seuls malades à pathologie sévère. Et le gouvernement d’Angela Merkel ne compte pas s’arrêter là : un document du ministère de l’Intérieur, que viennent de révéler plusieurs médias, prescrit une stratégie inspirée de la Corée du Sud, avec pas moins de 200.000 tests par jour.
Par ailleurs, le directeur de l’Institut supérieur de la santé, le principal organisme public de consultation scientifique italien, a érigé en exemple à suivre la méthode sud-coréenne de lutte contre le coronavirus, qui consiste à retracer les mouvements des personnes contaminées. Les Sud-Coréens ont adopté une stratégie efficace qui a permis de réduire la croissance de la courbe épidémique. Masques, tests de dépistages pour tous et traçage consenti des malades font partie des recettes qui ont permis à la Corée du Sud de baisser drastiquement son bilan des personnes atteintes du coronavirus.
Et aujourd’hui, le Maroc essaye de suivre l’exemple sud-coréen afin d’infléchir la courbe épidémique. Mais sans suivre la politique, pourtant annoncée, de dépistage massif. Du moins pour le moment. Ce qui laisse présager un prolongement de la période de confinement.
